jeudi 25 février 2010

La Suisse ne veut plus accueillir d'évadés fiscaux

Le Figaro, 26 février 2010

Berne prépare un dispositif pour refuser le dépôt d'avoirs étrangers non déclarés.

Mise au pied du mur, la place financière suisse se cherche un avenir. Jeudi après-midi, le Conseil fédéral a défini les contours d'une stratégie contre la fraude fiscale et la soustraction d'impôts, après les tensions liées à l'affaire UBS et au vol de données bancaires vers la France et l'Allemagne. Pour la Suisse, l'enjeu n'est autre que la survie du secret bancaire, une disposition inscrite dans la loi depuis 1934.

Sur ce point, ce n'est pas encore la révolution. «Le Conseil fédéral s'oppose à un échange automatique d'informations qui soumettrait le citoyen à un contrôle permanent», a déclaré le ministre des Finances, Hans-Rudolf Merz, lors d'une conférence de presse. Ce système, réclamé par plusieurs pays de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), aurait accéléré la disparition du secret bancaire en tant que tel. Mais, face aux pressions de l'étranger, les autorités suisses ont dû faire des concessions.

«Le Conseil fédéral entend régulariser les avoirs non déclarés, tout en protégeant la sphère privée des clients. Il refuse le dépôt en Suisse des avoirs non déclarés provenant d'autres pays», a précisé le gouvernement. En clair, la Suisse souhaite maintenir une certaine confidentialité, mais ne veut plus d'évadés fiscaux. Reste à savoir comment elle entend mettre ce principe en application.

Pour Hans-Rudolf Merz, il n'y a pas de «voie royale» : il faut d'abord adopter les standards de l'OCDE. Le Parlement suisse devra ainsi ratifier rapidement les dix-huit paraphes aux conventions de double imposition établis depuis mars 2009, qui suppriment la distinction entre fraude et évasion fiscale. En parallèle, Berne réfléchit aux moyens de vérifier que la fortune d'un client étranger est bien déclarée dans son pays d'origine. Une nouvelle loi pourrait- elle obliger les banquiers suisses à demander des comptes à leurs clients ? Selon Sébastien Guex, spécialiste du secret bancaire à l'université de Lausanne, «tout est possible. Mais presque tout le monde est contre. Nous en sommes très loin…»

Impôt libératoire

Ce modèle, inspiré du Liechtenstein, est rejeté en bloc par l'association suisse des banquiers. Celle-ci lui oppose le projet «Rubik», un «impôt libératoire» forfaitaire prélevé sur les dépôts et reversé à l'État du pays d'origine du client. «Nous proposons d'élargir ce système aux sociétés», précise le porte-parole James Nason.

En attendant, Berne cherche à gagner du temps en privilégiant les discussions bilatérales. Lesquelles, estime la Suisse, pourraient passer par des amnisties fiscales. «Le Conseil fédéral veut négocier des accords à la carte, explique François Pilet, journaliste au quotidien Le Temps. Cela risque d'être compliqué à mettre en œuvre, surtout pour les banquiers privés. Qui plus est, il n'est pas dit que cette méthode plaise à l'Union européenne…»

Une confusion à l'image de l'état d'esprit actuel. D'un côté, les Suisses se prononcent à 55%, selon un récent sondage Isopublic, pour la suppression de la distinction entre fraude et évasion fiscale. De l'autre, une initiative populaire propose d'inscrire le secret bancaire dans la constitution.

Régularisation : plus de dossiers que prévu pour Bercy

Le Figaro, 25 février 2010

Un afflux massif de nouveaux dossiers dans les deux dernières semaines de décembre, juste avant la fermeture de la cellule de régularisation, a pris de court le ministère du Budget.

En matière fiscale comme pour le reste, on attend souvent le dernier moment pour agir. C'est ce qui s'est produit avec la cellule de régularisation française. Fermée le 31 décembre 2009 après huit mois d'activité, elle incitait les contribuables ayant des avoirs cachés à l'étranger à se mettre en règle avec le fisc grâce à une réduction des pénalités et des intérêts de retard.

L'afflux a tellement été concentré sur les quinze derniers jours que le ministère du Budget, en communiquant un premier bilan le 12 janvier, avait sous-estimé les régularisations.

«La cellule a en fait traité plus de 4 000 dossiers, et non pas 3 500», précise-t-on dans l'entourage d'Éric Woerth, le ministre du Budget. Le fisc français devrait donc récupérer davantage que les 700 millions d'euros annoncés en janvier. «Nous n'avons pas les chiffres définitifs», ajoute-t-on à Bercy.

Rien n'est perdu pour les contribuables retardataires

Ce retard à l'allumage n'a pas facilité le travail des 17 agents de la cellule. Résultat, seuls 2 700 dossiers sont bouclés, les contribuables ayant signé la transaction avec l'administration. 1 300 affaires sont encore en cours de traitement. Le fisc a besoin de nombreux justificatifs.

«Or, les banques suisses ne se pressent pas pour fournir les documents. Un calcul aussi simple que la plus-value d'un placement prend du temps, notamment parce que certains établissements n'ont pas de système d'information sophistiqué», remarque Valérie Harnois-Mussard, avocate chez Fidal. Bercy a d'ailleurs demandé aux banquiers helvètes de hâter les choses.

Tout n'est pas perdu pour les contribuables retardataires. Éric Woerth a annoncé que le fisc continuerait à offrir des pénalités réduites à ceux qui acceptent de déclarer leurs avoirs cachés.

«Mais la remise sera inférieure à celle pratiquée par la cellule», précise l'entourage du ministre. Selon nos informations, les repentis devront s'adresser à un service bien identifié, et pas à leur centre des impôts local.

«Nous avons des dossiers prêts», confie Valérie Harnois-Mussard. Reste que cette pratique n'a rien de révolutionnaire.

«Nous avons toujours régularisé des dossiers avec l'administration fiscale et parfois obtenu des réductions de pénalités plus importantes qu'avec la cellule. Mais cela concernait très peu de dossiers par an», précise Bruno Gibert, avocat associé au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre.

dimanche 14 février 2010

Bercy a bouclé sa liste des paradis fiscaux

Les ministres Éric Woerth et Christine Lagarde ont arrêté une liste de 18 pays qualifiés de non coopératifs au plan fiscal. Les entreprises y travaillant seront pénalisées.

Les entreprises françaises qui sont implantées, d'une manière ou d'une autre, dans des paradis fiscaux savent désormais à quoi s'en tenir. Les ministres du Budget, Éric Woerth, et de l'Économie, Christine Lagarde, ont signé en fin de semaine dernière l'arrêté fixant la liste des territoires jugés «non coopératifs» au plan fiscal.

Cette liste de 18 pays que Le Figaro s'est procurée est valable jusqu'au 1er janvier 2011, date à laquelle Bercy la révisera en fonction des avancées faites par ces pays en matière de transparence fiscale, notamment.

Aucun pays européen n'y figure. En revanche, l'Amérique centrale est très représentée, avec le Costa Rica, le Panama ou le Guatemala. Les îles situées dans l'arc antillais sont elles aussi dans la ligne de mire : la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent ou Grenade ont ainsi été épinglées par Bercy. Figurent également sur cette liste le sultanat de Bruneï, les Philippines et le Liberia. En revanche, le Chili et l'Uruguay, un temps menacés, n'y figurent pas. Le principe de cette liste a été établi par la loi de finances rectificative pour 2009 votée en fin d'année dernière.

Dans la droite ligne des travaux du G20 et de l'OCDE ayant accentué la lutte contre les paradis fiscaux, Éric Woerth et Christine Lagarde ont inscrit dans la loi française la notion «d'État ou de territoire non coopératif» : sont considérés comme tels les pays non membres de l'Union européenne n'ayant pas conclu avec au moins douze États une convention d'assistance administrative permettant l'échange de renseignements fiscaux.


Les entreprises lourdement taxées

Concrètement, les entreprises qui sont implantées dans les pays figurant sur cette liste noire seront lourdement taxées. Les taux de retenue à la source sur les revenus passifs (dividendes, intérêts, redevances) seront relevés à 50 % dès lors qu'ils sont versés dans une entité présente sur le territoire non coopératif.

Le texte a également modifié certaines dispositions du régime «mère-fille». Actuellement, ce régime permet d'exonérer à hauteur de 95 % d'impôt sur les sociétés les dividendes versés par une filiale à sa société mère. Ce régime ne sera plus applicable si les filiales sont présentes dans un pays de la liste noire.

La plupart de ces mesures sont applicables à partir du 1er mars. Il ne reste donc que quelques jours aux entreprises concernées pour se préparer au changement de régime.

Bercy a bouclé sa liste des paradis fiscaux

Le Figaro, 14 février 2010

Les ministres Éric Woerth et Christine Lagarde ont arrêté une liste de 18 pays qualifiés de non coopératifs au plan fiscal. Les entreprises y travaillant seront pénalisées.

Les entreprises françaises qui sont implantées, d'une manière ou d'une autre, dans des paradis fiscaux savent désormais à quoi s'en tenir. Les ministres du Budget, Éric Woerth, et de l'Économie, Christine Lagarde, ont signé en fin de semaine dernière l'arrêté fixant la liste des territoires jugés «non coopératifs» au plan fiscal.

Cette liste de 18 pays que Le Figaro s'est procurée est valable jusqu'au 1er janvier 2011, date à laquelle Bercy la révisera en fonction des avancées faites par ces pays en matière de transparence fiscale, notamment.

Aucun pays européen n'y figure. En revanche, l'Amérique centrale est très représentée, avec le Costa Rica, le Panama ou le Guatemala. Les îles situées dans l'arc antillais sont elles aussi dans la ligne de mire : la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent ou Grenade ont ainsi été épinglées par Bercy. Figurent également sur cette liste le sultanat de Bruneï, les Philippines et le Liberia. En revanche, le Chili et l'Uruguay, un temps menacés, n'y figurent pas. Le principe de cette liste a été établi par la loi de finances rectificative pour 2009 votée en fin d'année dernière.

Dans la droite ligne des travaux du G20 et de l'OCDE ayant accentué la lutte contre les paradis fiscaux, Éric Woerth et Christine Lagarde ont inscrit dans la loi française la notion «d'État ou de territoire non coopératif» : sont considérés comme tels les pays non membres de l'Union européenne n'ayant pas conclu avec au moins douze États une convention d'assistance administrative permettant l'échange de renseignements fiscaux.


Les entreprises lourdement taxées

Concrètement, les entreprises qui sont implantées dans les pays figurant sur cette liste noire seront lourdement taxées. Les taux de retenue à la source sur les revenus passifs (dividendes, intérêts, redevances) seront relevés à 50 % dès lors qu'ils sont versés dans une entité présente sur le territoire non coopératif.

Le texte a également modifié certaines dispositions du régime «mère-fille». Actuellement, ce régime permet d'exonérer à hauteur de 95 % d'impôt sur les sociétés les dividendes versés par une filiale à sa société mère. Ce régime ne sera plus applicable si les filiales sont présentes dans un pays de la liste noire.

La plupart de ces mesures sont applicables à partir du 1er mars. Il ne reste donc que quelques jours aux entreprises concernées pour se préparer au changement de régime.

Bercy a bouclé sa liste des paradis fiscaux

Le Figaro, 14 février 2010

Les ministres Éric Woerth et Christine Lagarde ont arrêté une liste de 18 pays qualifiés de non coopératifs au plan fiscal. Les entreprises y travaillant seront pénalisées.

Les entreprises françaises qui sont implantées, d'une manière ou d'une autre, dans des paradis fiscaux savent désormais à quoi s'en tenir. Les ministres du Budget, Éric Woerth, et de l'Économie, Christine Lagarde, ont signé en fin de semaine dernière l'arrêté fixant la liste des territoires jugés «non coopératifs» au plan fiscal.

Cette liste de 18 pays que Le Figaro s'est procurée est valable jusqu'au 1er janvier 2011, date à laquelle Bercy la révisera en fonction des avancées faites par ces pays en matière de transparence fiscale, notamment.

Aucun pays européen n'y figure. En revanche, l'Amérique centrale est très représentée, avec le Costa Rica, le Panama ou le Guatemala. Les îles situées dans l'arc antillais sont elles aussi dans la ligne de mire : la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent ou Grenade ont ainsi été épinglées par Bercy. Figurent également sur cette liste le sultanat de Bruneï, les Philippines et le Liberia. En revanche, le Chili et l'Uruguay, un temps menacés, n'y figurent pas. Le principe de cette liste a été établi par la loi de finances rectificative pour 2009 votée en fin d'année dernière.

Dans la droite ligne des travaux du G20 et de l'OCDE ayant accentué la lutte contre les paradis fiscaux, Éric Woerth et Christine Lagarde ont inscrit dans la loi française la notion «d'État ou de territoire non coopératif» : sont considérés comme tels les pays non membres de l'Union européenne n'ayant pas conclu avec au moins douze États une convention d'assistance administrative permettant l'échange de renseignements fiscaux.


Les entreprises lourdement taxées

Concrètement, les entreprises qui sont implantées dans les pays figurant sur cette liste noire seront lourdement taxées. Les taux de retenue à la source sur les revenus passifs (dividendes, intérêts, redevances) seront relevés à 50 % dès lors qu'ils sont versés dans une entité présente sur le territoire non coopératif.

Le texte a également modifié certaines dispositions du régime «mère-fille». Actuellement, ce régime permet d'exonérer à hauteur de 95 % d'impôt sur les sociétés les dividendes versés par une filiale à sa société mère. Ce régime ne sera plus applicable si les filiales sont présentes dans un pays de la liste noire.

La plupart de ces mesures sont applicables à partir du 1er mars. Il ne reste donc que quelques jours aux entreprises concernées pour se préparer au changement de régime.

lundi 8 février 2010

Secret bancaire : avis de tempête sur la Suisse

par Marc Schindler, Journaliste suisse | Le Monde 05.02.10

Le gouvernement suisse - le Conseil fédéral - est dans l’oeil du cyclone. La tempête qui menace le secret bancaire ne s’est pas encore abattue sur la Suisse. Mais les sept membres du Conseil fédéral suisse, que le bon sens populaire appelait “les sept sages”, sont sur le pont de l’Helvetia, balayés par une méchante houle. On ne sait plus très bien qui tient la barre. Le ministre des Finances, Hans-Rudolf Merz, encaisse stoïquement les coups et s’accroche désespérément à son credo : le secret bancaire n’est pas négociable, il est gravé dans la pierre.

Cet ancien conseiller d’entreprises de 67 ans, élu au gouvernement il y a six ans grâce au soutien des milieux d’affaires, incarne jusqu’à la caricature le politicien suisse de droite : compétent, piètre orateur, pétri de certitudes, sans charisme et sans vision politique. Bref, un bon administrateur, un capitaine pour naviguer par temps calme. Mais, justement, le temps calme, c’est fini. Le bateau suisse est balloté comme un fétu de paille par la tempête financière.

Les vagues géantes s’abattent les unes après les autres. L’OCDE menace la Suisse de l’infamante “liste grise” et l’oblige à négocier des accords d’entraide fiscale. Sous la pression des Etats-Unis, la Suisse a dû livrer des milliers de noms de fraudeurs américains. Bercy a récupéré un listing de fraudeurs français piqué dans une banque suisse. Et l’Allemagne veut acheter les numéros de comptes de milliers de contribuables qui oubliaient de déclarer leur fortune planquée en Suisse.

Pour les Français, les Allemands et les Américains, le secret bancaire, c’est fini, ni-ni ! Sarkozy l’a proclamé haut et fort. Alors ? Alors, le doute s’insinue dans l’esprit des Suisses. Pendant des années, tous les sondages l’affirmaient : 80% des Suisses tenaient mordicus au secret bancaire, pour protéger leur sphère privée. Le secret bancaire, c’était comme la Swatch, le Gruyère et le chocolat - une valeur de l’identité nationale. Un parti politique a même lancé une initiative pour le faire inscrire dans la Constitution fédérale.

Le gouvernement suisse a perdu sa boussole. Il ne comprend plus le jeu. Il ne voit plus ce qui se passe sur la scène financière et fiscale internationales. Il ne comprend plus ce que veulent les autres acteurs. Et surtout, il n’a aucune solution pour sortir du bourbier. Quand il se tourne vers les partis politiques, les banquiers et les industriels, c’est encore pire : la cacophonie, le choeur confus des Pythies qui proclament, les unes qu’il faut protéger le secret bancaire jusqu’à la mort, les autres, qu’il faut baisser les bras.

Comme l’écrit lucidement le Temps de Genève : “ll y a une injustice certaine dans les critiques adressées à Hans-Rudolf Merz, dès lors qu’elles proviennent des milieux qui l’ont choisi précisément pour faire le gros dos sous l’orage et être le gardien de la ligne Maginot abritant le secret bancaire. Ils n’avaient eux-mêmes jamais imaginé qu’elle puisse être contournée par les divisions blindées du G20.”

Vous ricanez ? Ah ah, bien fait pour la Suisse ! Vous donnez raison à l’écrivain Yann Moix qui, pour lancer son dernier bouquin, déclarait : «Je te hais, Suisse. Je te demande de m’arrêter, moi aussi, le jour où je viendrai te voir. Pour cracher sur ton sol immonde». Bon, heureusement que le ridicule ne tue pas !

Les Français peuvent bien détester les Suisses, trop riches, trop sûrs d’eux-mêmes. Mais ils envient son franc qui sert de refuge, son taux de chômage et sa TVA à 7.6%. ils adorent ses banques, ses produits de haute technologie, ses paysages et ses emplois. 65 000 frontaliers français travaillent à Genève, même si un parti xénophobe les a traités de “racaille”. Genève rembourse chaque année aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie 100 millions d’euros sur les impôts prélevés à la source. Ce n’est pas de l’amour, mais du réalisme économique. Comme le proclamait Bill Clinton, en 1992, pour battre Bush :”it’s the economy stupid !”