lundi 28 septembre 2009

L'opacité des paradis fiscaux a aggravé la crise financière

L'opacité des paradis fiscaux a aggravé la crise financière, Le Figaro, 28 septembre 2009

En signant douze conventions OCDE, Monaco et la Suisse sortent in extremis de la liste grise.

«Les paradis fiscaux, c'est terminé», a décrété Nicolas Sarkozy à New York. De fait, on ne peut nier des avancées significatives depuis le dernier G20 de Londres.

Plusieurs pays ont tenu leurs enga­gements d'appliquer les standards internationaux sur l'échange d'informations en matière fiscale. Ainsi, Monaco et la Suisse ont bouclé in extremis, juste avant l'ouverture du sommet, leur course aux douze conventions bilatérales, seuil requis par l'Organisation pour la coopération et le développement économiques pour sortir de la liste grise.

«C'est un progrès significatif», s'est réjoui jeudi le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria.

De là à annoncer la fin du secret bancaire, Nicolas Sarkozy a fait montre d'optimisme. Comme l'a remarqué le ministre du Budget, Éric Woerth, mercredi dernier alors qu'il signait trois nouvelles conventions, «sortir de la liste grise n'est pas une fin en soi».

Refuge des hedge funds

Pour aller plus loin, le G20 pourrait s'inspirer du rapport sur les paradis fiscaux qui vient d'être remis par le Conseil d'analyse économique franco-allemand à François D'Aubert, délégué général à Bercy sur le sujet.

«Nous avons délaissé le champ fiscal pour nous concentrer sur les aspects de régulation», précise Catherine Lubochinsky, professeur à Paris-II et coordinatrice du rapport.

«En nous focalisant sur les territoires anglo-saxons, type Bermudes ou Caïmans, qui sont moins régulés que les pays européens.»

Le constat est net : sans être à l'origine de la crise économique, l'opacité des paradis fiscaux a contribué à son ampleur. De quelle manière ?

Notamment en hébergeant les actifs risqués des banques, qu'elles ont placés dans des véhicules ad hoc, réputés pour leur sophistication et leur opacité. C'est bien ce manque de transparence et l'absence de réglementations qui attire les investisseurs.

On estime que 40 à 50% de l'ensemble des flux financiers transitent par ces territoires dits non coopératifs. Avec comme corollaire une économie très dépendante de l'activité bancaire et financière.

À Jersey, par exemple, le secteur financier représente 50% du PIB. Ce n'est pas un hasard non plus si trois quarts des hedge funds sont domiciliés dans les paradis fiscaux, dont le tiers aux seules îles Caïmans.

Entre autres remèdes, les auteurs proposent d'imposer l'enregistrement des fonds alternatifs, moyennant une pénalité, et de taxer les flux.

«Tant l'amélioration de la régulation existante que les avancées fiscales contre ces territoires permettront à terme de réduire leur opacité», a ajouté Catherine Lubochinsky.

BNP Paribas ferme ses filiales dans les paradis fiscaux

BNP Paribas ferme ses filiales dans les paradis fiscaux, Le Figaro, 28 septembre 2009

La banque fermera d'ici 2010 ses filiales qui sont sur la liste grise de l'OCDE. Selon le directeur général Baudouin Prot, cela représente une «demi-douzaine».

Invité d'Europe 1 ce lundi matin, Baudouin Prot, directeur général de la BNP Paribas a déclaré que la banque allait fermer ses filiales dans les paradis fiscaux qui resteront sur la liste «grise». «Nous avons décidé de fermer nos filiales dans les paradis fiscaux (...) qui figurent sur la liste grise» de l'OCDE, a-t-il déclaré. Concrètement cela devrait représenter «une demi-douzaine» de sociétés. Et de préciser que BNP Paribas va ainsi quitter le Panama et les Bahamas.

Ces deux pays sont les seuls parmi ceux figurant sur la liste «grise» où BNP Paribas possède des implantations,selon une porte-parole de BNP Paribas. Elles comprennent deux filiales et six succursales, dont les activités concernent essentiellement la banque privée et la banque de financement et d'investissement.

BNP Paribas s'est fixé pour objectif de fermer ces implantations d'ici 2010.

Les banques françaises seront bientôt tenues d'exposer en détail, dans leur rapport annuel, leur exposition dans les pays non coopératifs en matière fiscale, en vertu d'une loi votée en juin par le Parlement. Un décret d'application doit être publié cet automne pour préciser la nature des informations à publier ainsi que la liste des pays concernés.

Lors du sommet qui s'est tenu à Pittsburgh (Etats-Unis) jeudi et vendredi, le G20 a réitéré son souhait de s'attaquer aux paradis fiscaux. Plusieurs pays, dont la Suisse et Monaco, ont réussi à sortir de la liste «grise» la semaine dernière en signant des accords bilatéraux de coopération fiscale.

Alors que la banque britannique HSBC a annoncé qu'elle allait réinstaller sa direction générale en Asie, pour tirer les leçons de la montée en puissance de l'économie dans cette zone, Baudouin Prot a garanti que «BNP Paribas va garder son centre de décision à Paris», rappelant que sa banque était la première de la zone euro par les dépôts.

Concernant le remboursement du prêt de 5,1 milliards euros de l'Etat, Baudouin a indiqué qu'il «interviendrait avant le 30 juin 2010».

vendredi 25 septembre 2009

La Suisse prépare l'après-secret bancaire

La Suisse prépare l'après-secret bancaire, Le Figaro, 23 septembre 2009

par Anne Cheyvialle

La place financière helvétique, qui mise sur son expertise et sa qualité de service, s'est déjà largement diversifiée en accueillant des capitaux en provenance de pays en développement.

Soixante-quinze ans de secret bancaire, gravé dans le marbre des textes de loi. Les Suisses y sont très attachés, c'est culturel. «Nous tenons à la protection de la sphère privée, commente Ladislas Klement, expert en ­criminalité financière. Chez nous,la présomption d'innocence est fondamentale.»

Les Suisses respectent leurs institutions et ne comprennent pas l'opprobre des voisins européens. Dans la lutte contre le blanchiment de l'argent, par exemple, Berne se targue d'avoir mis en place un système très efficace. «L'affaire Elf n'aurait jamais été résolue sans l'aide de la Suisse», lance Carlo Lombardini, avocat en droit bancaire.

Désormais, ce n'est plus seulement sur le terrain pénal que la Suisse devra coopérer. L'autorité administrative devra répondre aux soupçons d'évasion fiscale. Une fois que la douzaine de conventions bilatérales aux standards OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) seront entrées en vigueur.

Pour le client étranger, c'est la fin du secret bancaire. Résultat, les agents de Bercy fourbissent leurs armes dans la perspective de janvier 2010, date d'application de l'accord franco-suisse. La traque pourrait bien commencer par la liste des 3 000 noms, évoquée début septembre par le ministre du Budget, Éric Woerth.

Du coup, le risque n'est pas négligeable pour la place helvétique de voir s'envoler des milliards d'euros vers des horizons plus cléments. «Pour l'instant, nous ne constatons pas d'exode, remarque Carlo Lombardini.

Mais les deux prochaines années seront décisives.» «On ne peut échapper au transfert d'avoirs vers Singapour, témoigne un gestionnaire de comptes. L'activité, c'est sûr, va connaître un coup d'arrêt à court terme. Mais le dynamisme, la qualité de service et la sécurité continueront d'attirer la clientèle.»

Négoce de pétrole

Fort de ces atouts, les banques se veulent sereines. D'une part parce que depuis quelques années, la clientèle s'est beaucoup diversifiée. Les capitaux n'arrivent plus seulement d'Europe, mais d'Asie, d'Amérique latine, du golfe Persique. Et les banques étrangères, chinoises notamment, continuent de s'installer, défend aussi l'Association suisse des banquiers. «Nous recevons constamment des délégations étrangères», précise Pierre Odier, son président.

La Suisse est par ailleurs devenue une plaque tournante dans le négoce de matières premières (sucre, coton, cacao, pétrole…). Plus de 500 sociétés de trading sont installées sur les bords du lac Léman.

Si l'on en croit un récent sondage d'Ernst & Young, les attaques fiscales de tous bords de ces derniers mois n'ont pas découragé les entreprises. Les cadres dirigeants interrogés vantent aussi bien la stabilité politique et la sécurité juridique que la qualité de vie et le climat social. Enfin, le pays reste attractif pour l'exilé fiscal. Pas seulement pour le résident non travailleur qui négocie son forfait fiscal. En Suisse, la fiscalité peut varier du simple au double d'un canton à un autre.

À Zoug, par exemple, l'impôt est inférieur de moitié à la moyenne nationale. Un avantage qui pourrait inciter les gestionnaires de hedge funds à quitter la City, après la décision de Gordon Brown de taxer davantage les tranches les plus élevées. «La réglementation risque aussi de rester plus libérale que dans l'Union européenne», complète Carlo Lombardini.

La Suisse n'est plus un paradis fiscal

La Suisse n'est plus un paradis fiscal, Le Figaro, 25 septembre 2009

La Confédération helvétique a été officiellement retirée de la liste grise vendredi matin, après avoir signé les douze conventions d'échange d'informations fiscales requises par l'OCDE.

La Suisse est rentrée dans le rang. La Confédération helvétique a officiellement été retirée vendredi matin de la liste grise des paradis fiscaux de l'OCDE. Elle figure désormais sur la liste blanche des pays considérés comme vertueux en terme de coopération fiscale et rejoint les onze autres pays et territoires blanchis depuis la publication des listes début avril par l'Organisation de coopération et de développement économiques.

«C'est un progrès très significatif», s'est réjoui le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, en adresant ses «félicitations» aux autorités helvétiques. Plusieurs pays, dont l'Autriche lundi et Monaco mercredi, ont réussi à sortir de la liste grise in extremis avant le début jeudi du sommet du G20 à Pittsburgh, où la question des sanctions contre «ces territoires non-coopératifs» doit être abordée.

Pour Nicolas Sarkozy, interrogé mercredi soir sur TF1 et France 2, «il n'y a plus de paradis fiscaux» et le secret bancaire est «fini». Des déclarations jugées trop hâtives par certaines ONG qui reprochent au chef de l'Etat d'avoir «vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué» : la liste grise compte toujours en effet une trentaine de pays.

Surveiller la mise en oeuvre des accords

En détail, une fois les accords de coopératin entrés en vigueur, les Etats absous ne pourront plus se réfugier derrière le secret bancaire si un pays signataire leur adresse une demande «vraisemblablement pertinente» d'information sur un particulier ou une entreprise soupçonnés d'évasion fiscale.

De leur côté, les autorités helvétiques ont affirmé à plusieurs reprises que les demandes d'informations devaient permettre d'identifier «clairement» le contribuable visé et la «banque concernée. La convention signée avec la France stipule toutefois que ces renseignements ne doivent être communiqués que «dans la mesure où elles sont connues»

Récemment constitué sous l'égide de l'OCDE et présidé par la France, un groupe de 30 pays vérifiera à partir du début 2010 l'application concrètes des accords et publiera des évaluations pays par pays. Des ONG s'alarment en effet de la tendance de certains paradis fiscaux à conclure des accords entre eux.

samedi 19 septembre 2009

Didier Migaud: «Il faut prendre la fraude fiscale à bras-le-corps»

Le Figaro - 10/09/2009

La commission des Finances présente jeudi un rapport d'information comportant une série de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale. Pour Didier Migaud, son président, afin d'éradiquer ce fléau, il faudrait notamment créer un service fiscal d'enquête.

Lefigaro.fr : Quelles sont les grandes lignes du rapport de la Commission des Finances pour lutter contre la fraude fiscale ?

Didier Migaud : Nos propositions - il y en a trente - visent à nous doter de moyens supplémentaires pour détecter et sanctionner la fraude fiscale. Certaines de ces mesures se traduiront par des propositions d'amendements lors des discussions sur le projet de loi de Finances. Ainsi, pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale, il faudrait instaurer une obligation pour les banques de déclarer de manière systématique, sans demande préalable du fisc, tous les mouvements de capitaux vers des centres non-coopératifs. Il faut également créer un service fiscal d'enquête, composé d'agents du fisc qui auraient la qualité de fonctionnaires de police et placés sous l'autorité du juge. Il faut en outre durcir les pénalités sur les transactions avec les centres non coopératifs et lever le secret bancaire. Enfin, c'est important, la France doit se doter de sa propre liste des territoires non coopératifs ; liste à partir de laquelle les obligations déclaratives seraient applicables.

Eric Woerth a annoncé vouloir étendre et systématiser les échanges d'informations entre les banques et l'administration fiscale. Va-t-il dans la bonne direction ?

Les initiatives du ministre en la matière vont dans le bon sens. Il pourrait même aller plus loin puisque dans son projet, c'est au fisc de demander à une banque de lui communiquer les listings de tous les transferts de capitaux vers des paradis fiscaux alors que nous proposons que les banques communiquent ces listings de manière spontanée, et même de retirer l'agrément aux banques qui ne coopèrent pas. Il faut que les contribuables comprennent bien que les temps ont changé et qu'il y a une réelle volonté de prendre la fraude fiscale à bras-le-corps. Ceux qui sont en règle n'ont rien à craindre d'une enquête fiscale mais les autres devraient se rapprocher de l'administration.

Certains de vos collègues socialistes dénoncent une amnistie déguisée à propos de la possibilité donnée aux contrevenants de régulariser leur situation sans poursuite pénale avant le 31 décembre. Quelle est votre position ?

Je suis contre toute forme d'amnistie fiscale. Les contribuables concernés doivent être redressés. Mais à partir du moment où une personne propose de se mettre en règle, c'est normal qu'on ne la mette pas en prison. Si l'administration fiscale dispose ensuite d'une marge d'appréciation concernant l'application de pénalités de retard, cela ne me choque pas. Mais cela ne correspond en rien à une amnistie.


Les principales mesures du rapport d'information


- L'obligation pour les banques de déclarer spontanément tout transfert de fonds, toute ouverture de compte ou tout montage financier ayant un lien avec un paradis fiscal. Avec comme sanction le retrait de l'agrément aux banques non coopératives.

- La création d'un service fiscal d'enquête, placé sous l'autorité du juge et composé d'agents du fisc ayant la qualité de fonctionnaires de police.

- Le durcissement des pénalités sur les transactions avec les centres non coopératifs.

- Le retrait de la circulation des billets de 500 euros pour lutter contre le blanchiment d'argent. Le rapport préconise que les particuliers ne paient plus en espèces au-delà de 3.000 euros et au-delà d'un seuil de 1.100 euros pour les commerçants.

jeudi 17 septembre 2009

Bercy veut "handicaper les échanges financiers avec les paradis fiscaux"

Bercy veut "handicaper les échanges financiers avec les paradis fiscaux", Le Monde, 17 septembre 2009

Le gouvernement français veut "mettre un poste de gendarmerie au bord de toute route menant à la fraude fiscale", assure au "Monde" le ministre du budget, Eric Woerth.

Le gouvernement met ainsi la dernière main à un décret qui permettra à l'administration fiscale de disposer d'un "droit de communication élargi" auprès des banques installées en France, pour tous les mouvements financiers vers l'étranger.

Ce texte permettra par exemple au fisc d'obtenir une liste complète de clients ayant viré de l'argent vers un pays donné sur une période fixée.

"Nous voulons handicaper les échanges financiers et commerciaux avec les paradis fiscaux", annonce M. Woerth.

Le gouvernement prévoit de sanctionner les entreprises qui continueraient d'y travailler ou y garderaient des comptes en banque.

Le ministre du budget revient également sur l'annonce médiatisée de la constitution d'une liste de 3 000 personnes soupçonnées d'évasion fiscale en Suisse.

Selon des estimations fiables, entre 100 000 et 200 000 personnes détiendraient des comptes non déclarés à l'étranger, dont une bonne partie en Suisse.

"Toute personne qui possède un compte non déclaré sera régularisable", déclare M.Woerth.

mardi 15 septembre 2009

La liste des 3000 fraudeurs suscite des interrogations

Le Figaro, 15 septembre 2009

L'annonce d'une liste détenue par le fisc français de 3000 contribuables titulaires d'un compte en Suisse a provoqué la réaction de nombreux banquiers suisses et de spécialistes du droit bancaire et fiscal qui doutent de sa possession.

Au lendemain de la révélation, par Eric Woerth, le ministre du Budget, d'une liste de 3000 contribuables français détenant des comptes en Suisse, les banquiers helvètes n'en reviennent toujours pas. «Nous sommes vraiment déconcertés par cette annonce du gouvernement français», confie un porte-parole de l'Association suisse des banquiers, résumant ainsi la confusion qui règne dans la Confédération. L'étonnement est d'autant plus grand que le ministère suisse des Finances a indiqué ne pas avoir reçu de demande d'entraide administrative - la voie officielle pour obtenir des informations protégées par le secret bancaire - de la part de Paris.

Quant aux principaux établissements helvétiques, ils ont choisi de ne pas commenter le sujet. Le fait qu'Eric Woerth ait maintenu le flou sur l'origine des informations fournies pour établir la liste, contribue à cette confusion. Le ministre français du Budget a en effet seulement évoqué que deux établissements bancaires avaient révélé spontanément un certain nombre de noms de leurs clients ayant ouvert des comptes en Suisse, sans que l'administration fiscale en soit informée.

Selon l'entourage du ministre, ces deux banques «sont installées en France», sans plus de précision sur leur nationalité. Pour Martin Maurer, directeur de l'Association des banques étrangères en Suisse, «il n'est pas possible que la filiale d'une banque étrangère installée en Suisse communique» à sa maison mère à l'étranger, «des informations bancaires car elles sont protégées par le secret bancaire helvétique». Maître Carlo Lombardini, avocat à Genève, renchérit : «elles s'exposeraient à de très lourdes sanctions en droit suisse si tel était le cas». En revanche, souligne Martin Maurer, «une banque suisse installée en France est soumise au droit français». Elle doit donc répondre aux injonctions des autorités françaises mais seulement en ce qui concerne les comptes en France.

«Une liste de 3000 noms me paraît énorme»

La question est de savoir s'il s'agit d'un coup de bluff de la part du gouvernement français, ou d'une attaque en règle contre la place financière ? Les spéculations vont bon train. «Il y a peut-être une liste», avance Maître Lombardini. «Mais 3000 noms me semble vraiment énorme».

Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférence, spécialiste du droit bancaire, s'interroge sur la manière dont le gouvernement français s'est procuré cette liste. «Elle a très bien pu être achetée. Se pose alors la question de la loyauté de la preuve puisqu'elle a été obtenue de manière illicite».

Pour un avocat parisien, «c'est peut-être un coup de bluff pour inciter les contrevenant à régulariser leur situation». Tout faux, répond le ministre du Budget, Eric Woerth, qui a assuré lundi soir qu'il ne bluffait pas en annonçant détenir la liste de 3.000 contribuables soupçonnés d'évasion fiscale en Suisse. Pour autant, la finalité du gouvernement est claire : pousser les contribuables à régulariser leur situation avant la fin de l'année.

Selon Martin Maurer, «le gouvernement souhaite éviter une procédure d'entraide administrative», telle qu'elle a été définie dans l'accord de double imposition signé la semaine dernière entre Paris et Berne et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2010. Cette procédure d'entraide étant complexe à mettre en œuvre, il est sûr que le gouvernement français préfèrerait que les contrevenants s'auto-dénoncent.

D'où la menace d'une liste de 3000 noms... «Mais dans la mesure où il y a un flou absolu concernant l'identité des contribuables présents sur la liste, les personnes détenant des comptes en Suisse ont plutôt intérêt à ne rien faire avant le 31 décembre», conseille un spécialiste du droit. Et pour celles qui voudraient rentrer dans le droit chemin et se dénoncer, «il pourrait y avoir des transactions au cas par cas», explique Maître Marie-Christine Cazals, du cabinet Picovschi à Paris.

vendredi 11 septembre 2009

Trente mesures contre les paradis fiscaux

Anne Cheyvialle - Le Figaro - 11/09/2009

Dans un rapport rendu public hier, Gilles Carrezet Didier Migaud proposent de renforcer la régulation financière et bancaire.

Créer une police fiscale. Voici l'une des trente mesures que propose la mission de l'Assemblée nationale sur les paradis fiscaux mise en place en décembre dernier. « Cette proposition pourrait être inscrite dans le projet de loi de finances 2010 », a précisé le député Didier Migaud (PS), président de la mission. L'idée étant d'accélérer les procédures « trop lourdes » de l'administration fiscale. À cette fin, les agents du fisc se verraient doté de compétences judiciaires et placées sous l'autorité du parquet.

Portée par une conjoncture favorable, soucieuse de poursuivre les efforts entamés au G20, aidée tout récemment par les révélations sur la liste des 3000 comptes suisses, la mission a listé plusieurs rè­gles visant, d'une part, à améliorer la régulation financière et bancaire et d'autre part, à renforcer les moyens de détecter et de réprimer la fraude fiscale. Fraude qui représenterait un manque à gagner de 29 à 40 milliards d'euros, selon une estimation du Conseil des prélèvements obligatoires en 2007.

« Comptabilité filiale par filiale »

Afin d'assurer un meilleur suivi, les députés suggèrent la création d'une liste française des territoires non coopératifs. Liste qui sera revue annuellement, en te­nant compte de l'application des conventions fiscales, versus OCDE, notamment l'article 26 qui définit les conditions d'échange d'information fiscale.

La mission plaide aussi pour une généralisation de la directive épargne, et donc d'abandonner la retenue à la source qui s'applique encore à l'Autriche, à la Belgique et au Luxembourg.

Gilles Carrez (UMP), le rapporteur général, a insisté sur la néces­sité de traquer aussi bien les personnes physiques que morales, notamment de limiter les avantages fiscaux en cas de transfert dans un paradis fiscal. Autres idées, communiquer les schémas d'optimisation fiscale et renforcer la législation sur les prix de transfert. « Les entreprises doivent prouver la réalité économique des tarifs pratiqués entre filiales et sociétés mères. Cela suppose d'établir une comptabilité filiale par filiale », a précisé le député UMP. Et son collègue so­cialiste d'enfoncer le clou : « la transparence et l'obligation déclarative, c'est la clé ».

Ainsi, les banques devraient « dé­clarer tout mou­­vement financier en lien avec un territoire non coopératif ». À la charge des professions juridiques de révéler les mon­tages opérés dans les paradis fiscaux. En clair, « Le secret bancaire ne doit plus être invoqué lorsqu'il s'agit de fraude fiscale », a résumé Didier Migaud.