mardi 22 décembre 2009

Fichiers HSBC : Eric Woerth veut la poursuite des procédures judiciaires

Le Monde, 22 décembre 2009

Le ministre du budget français, Eric Woerth, a affirmé, mardi 22 décembre 2009, à Pékin que les procédures pour fraude fiscale ou blanchiment visant des Français figurant sur les fichiers bancaires dérobés par un ancien salarié de HSBC vont "continuer" après la décision de les remettre à la Suisse.

"Oui, bien sûr, [les listes] seront transmises par la justice à la justice suisse, ce qui est bien naturel et bien normal", a déclaré à la presse M. Woerth, qui accompagne le premier ministre François Fillon à Pékin. Mais, a-t-il ajouté, "la procédure judiciaire française va continuer et la procédure fiscale aussi évidemment", ce que la Suisse dénonce.

La Suisse a ouvert, le 29 mai 2008, une enquête contre l'ex-salarié de la banque HSBC de Genève Hervé Falciani, qu'elle soupçonne d'avoir subtilisé des données entre 2006 et 2007.

"Evidemment elles sont utilisables, l'Etat français s'occupe des contribuables français, ça semble assez naturel", a commenté le ministre. "Qui, d'ailleurs, pourrait penser le contraire ? Les contribuables qui, à un moment donné, ont fraudé le fisc français, ce sont des contribuables français. Ils intéressent évidemment les autorités françaises", a-t-il poursuivi.

LA SUISSE VEUT FAIRE PRESSION SUR PARIS

"Il faut faire la part des choses entre les péripéties et la réalité. La réalité, c'est qu'on en train de lutter contre les paradis fiscaux, le secret bancaire, la capacité à aller cacher ici ou là telle ou telle somme au vu ou à la barbe des fiscs nationaux", a jugé le ministre du budget, ajoutant : "Les Américains l'ont bien fait, les Allemands l'ont fait, les Italiens le font. Les Français le font avec la même fermeté."

Les autorités helvétiques accusent M. Falciani de violation du secret bancaire et assurent qu'il a tenté de monnayer ces listes et les codes permettant de les déchiffrer auprès de plusieurs Etats, voire de banques libanaises, ce qu'il réfute.

Pour faire pression sur Paris, la Suisse a suspendu le processus de ratification de la nouvelle convention fiscale avec la France, qui prévoit notamment l'échange d'informations fiscales entre les deux pays.

Sur ce point, a-t-il dit, "il faut un peu de temps". "Je n'imagine pas un instant que les autorités suisses puissent longtemps suspendre leur ratification parce qu'ils ont pris cet engagement comme tous les autres pays ont pris cet engagement", a indiqué mardi M. Woerth.

Berne avait encore accru la pression sur Paris la semaine dernière en exigeant la restitution, avant le 25 décembre 2009, des données qui ont permis au fisc français d'alimenter une liste de quelque 3 000 fraudeurs présumés.

vendredi 18 décembre 2009

Le Sénat renonce à assimiler la Suisse à un paradis fiscal

Le Monde | 18 décembre 2009

Le Sénat a renoncé, vendredi 17 décembre, à pointer du doigt la Suisse en retirant, à la demande expresse du ministre du budget Eric Woerth, un amendement qui revenait à inscrire la Confédération helvétique sur la liste noire des paradis fiscaux.

L'amendement, discuté dans le cadre du collectif budgétaire 2009, prévoyait que les Etats qui n'ont pas ratifié leur "convention d'assistance administrative" passée avec la France soient considérés comme "non coopératifs" dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il ne citait pas expressément la Suisse mais il visait bien Berne, qui a annoncé mercredi qu'il allait suspendre le processus de ratification parlementaire de l'accord fiscal France-Suisse, pour protester contre l'utilisation par les autorités françaises de données volées à la banque HSBC à Genève.

D'ailleurs, la veille, le président centriste de la commission des finances Jean Arthuis et le rapporteur général du budget Philippe Marini (UMP) avaient nommément désigné la Suisse en présentant leur amendement à la presse.

"Cet amendement part d'une bonne intention" mais "dans le cadre de nos relations internationales, je ne veux pas rajouter de l'huile sur le feu", a lancé M. Woerth en direction des sénateurs. "Il ne faut pas adopter cet amendement tel quel. Je vous le demande ! Je vous le demande !", les a-t-il exhortés.

Réfugié depuis un an en France, Hervé Falciani provoque une crise diplomatique

Le Monde | 18 décembre 2009

Tout commence il y a 3 ans. Voici la chronologie de l'affaire.

2006 : L'informaticien Hervé Falciani , est embauché définitivement chez HSBC, à Genève. Il y fait la connaissance de Georgina Mikhael, qui devient sa maîtresse.

4 février 2008 : Le couple tente de monnayer à des banques libanaises les bases de données que l'informaticien s'est procurées chez HSBC. Il contacte également des services de renseignement.

23 décembre : Les autorités judiciaires suisses estiment que M. Falciani s'est procuré ces bases de données en piratant les fax de la banque HSBC. L'informaticien se réfugie en France.

9 janvier 2009 : La Suisse transmet au procureur de Nice, Eric de Montgolfier, une demande d'entraide judiciaire valant mandat d'arrêt.

20 janvier 2009 : Le domicile de Hervé Falciani est perquitionné , ses ordinateurs sont saisis et il est placé en garde à vue. Il nie avoir piraté les fax chez son employeur.

9 mars : L'expertise révèle la présence de nombreux fichiers contenant les données nominatives bancaires de plusieurs milliers de contribuables. Un premier listing est transmis à cette époque au fisc français par Hervé Falciani.

26 juin : Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Nice pour "blanchiment".

9 juillet : Le procureur de Nice, Eric de Montgolfier, communique à Bercy les résultats de l'expertise, et les données nominatives bancaires. 2 953 contribuables français sont concernés.

Août : Le ministre du budget, Eric Woerth, enjoint les contribuables fautifs de régulariser leur situation. A défaut, une procédure sera engagée à leur encontre, à compter du 31 décembre 2009.

9 décembre : Le quotidien Le Parisien révèle l'origine de ce listing. "Nous avons obtenu ces informations de manière spontanée", affirme Eric Woerth. "On a plusieurs sources d'information, nous ne prenons pas les informations anonymes et ces informations ne sont pas rémunérées", souligne-t-il.

11 décembre : Eric de Montgolfier affirme que "les motivations d'Hervé Falciani sont de type messiannique". "Il redoute que les procédés utilisés par sa banque aient pu contribuer à la crise financière. Il considère qu'il a un rôle à jouer", indique t-il. Le surlendemain, le procureur de Nice parle de 130 000 comptes bancaires présents sur les listings. HSBC en mentionne une dizaine.

13 décembre : Hervé Falciani s'exprime sur France 2 : "Si vous découvrez que toutes les strates des structures, trusts, offshore, permettent de contourner les mises en place de prélèvement de taxes, de TVA, que la seule légitimité de ces structures, c'est ça : ou vous faites l'autruche, ou vous essayez de comprendre", explique-t-il. Il dit avoir tenté d'alerter sa direction, en vain. A-t-il dérobé les données ? "Je n'ai accédé qu'à des informations, à des systèmes sur lesquels on avait libre accès."

14 décembre : Eric de Montgolfier explique au Monde sa vision de l'affaire . "J'ai estimé, dit-il, compte tenu des éléments que M. Falciani a fournis que nous pouvions engager une enquête préliminaire. Une chose est sûre : je n'ai rien payé, rien offert et il ne m'a rien demandé". D'après le procureur, " On parle hâtivement de fichiers volés. Du côté de la justice française, je n'ai quoique ce soit à lui reprocher."

16 décembre 2009 : La Suisse annonce qu'elle va suspendre le processus de ratification de l'accord de double imposition signé en août par Paris et Berne.

Jeudi 17 décembre : La justice suisse fixe un ultimatum à la France. Les élements de la procédure judiciaire qu'elle a adressé aux autorités françaises doivent lui être retournés à Berne au plus tard le 25 décembre. La crise judiciaire menace.

Gérard Davet (avec Paul Barelli à Nice)

L'informaticien, sa maîtresse et le listing explosif de Bercy

Le Monde | 18 décembre 2009

A cause de lui, 2 953 contribuables français ont bien du mal à trouver le sommeil. Hervé Falciani, cet informaticien de 37 ans qui a livré à Bercy un listing bancaire contenant 130 000 noms issus des bases de données de la banque HSBC de Genève, aime à se présenter en réparateur de torts de la grande finance. La réalité pourrait être moins glorieuse. Du moins si l'on en croit la procédure judiciaire franco-suisse, à laquelle Le Monde a eu en partie accès. Où l'on découvre l'étonnant destin d'un banal fichier informatisé...

Depuis quinze jours, cet informaticien franco-italien est au coeur d'un imbroglio judiciaire et financier qui tourne à la crise diplomatique entre la France et la Suisse. Depuis la révélation, par la presse, que le ministre du budget, Eric Woerth, s'est servi des informations couvertes par le secret bancaire qu'a transmises aux autorités françaises Hervé Falciani, la Suisse réclame la restitution de ces données, qu'elle estime volées. Le 16 décembre, la Confédération helvétique annonçait son intention de suspendre le processus de ratification d'un nouvel accord de coopération fiscale, signé en août.

Hervé Falciani rejoint la succursale suisse de la banque anglaise HSBC en 2001, après avoir travaillé à Monaco, dans le domaine de la sécurité, à la Société des Bains de Mer. Informaticien, marié, il fait la connaissance en 2006 de Georgina Mikhael, une franco-libanaise. "On avait des centres d'intérêts communs, se souvient-il devant les gendarmes français qui l'ont placé en garde à vue, le 20 janvier 2009. Dans le même temps, il y a eu des sentiments et une relation privée. On s'est connus fin 2006, on travaillait dans deux bureaux voisins."

A l'époque, Hervé Falciani s'est déjà spécialisé dans le "data mining", l'extraction de connaissances utiles à partir de grosses bases de données. Dès 2007, le couple décide d'aller démarcher d'éventuels clients au Liban, en leur vendant des bases de données. Le but, c'est de faire fortune. Pour Georgina Mikhael, les choses sont d'ailleurs claires : il fallait, dira-t-elle aux enquêteurs, obtenir de l'argent pour financer le divorce d'Hervé Falciani avec sa femme. "C'est un fantasme pour elle", rétorque aujourd'hui l'intéressé.

Reste que le couple prend une semaine de vacances et s'envole pour Beyrouth. A son arrivée, il contacte, pour commencer, la succursale de la banque suisse Audi, le 4 février 2008. Se présente alors devant une responsable de la banque la pimpante Georgina Mikhael, escortée d'un certain Ruben Al-Chidiack. Ce dernier n'est autre qu'Hervé Falciani : "C'est un prénom et un nom que m'a donnés Georgina, raconte-t-il. J'avais une carte de visite à ce nom."

Les deux amants disent travailler pour la société Palorva. "C'est de la fumée, juste un nom, aucune société n'a été créée, explique Hervé Falciani. Quand on a décidé de rencontrer des personnes, Georgina a décidé de créer un site Internet, des cartes de visite, et trouvé le nom de la société. Tout a été créé lors des préparatifs du voyage..."

Que tentent-ils de monnayer ? Selon la justice suisse, il s'agit de négocier la vente d'une base de données de clients de différentes banques suisses, obtenue par le biais d'un piratage de fax visant des ordres relatifs à des instructions de souscriptions de fonds. Apparaissent sur ces fichiers les données principales des souscripteurs. Les Suisses en sont persuadés : l'informaticien a proprement dérobé ces listings. Falciani, lors de sa garde à vue, le 20 janvier 2009, nie tout piratage : "Je n'ai jamais piraté quoique ce soit." Il assure que les données dont il dispose proviennent de failles qu'il a observées dans la sécurité informatique d'HSBC, et qu'il avait par ailleurs dénoncées à ses supérieurs.

En tout cas, les banquiers libanais semblent intéressés. Quatre banques sont ainsi appâtées. "Elles ont toutes manifesté de l'intérêt, se rappelle l'informaticien. Certaines personnes ont demandé : "Si je suis intéressé par l'achat du profil d'un client, combien ça va me coûter ?" Il s'agissait de données qui permettaient d'identifier une personne, d'estimer sa fortune, de définir son profil d'investisseurs..."

Interrogé le 6 octobre 2008 par la police suisse, l'un des interlocuteurs libanais confirme que Ruben Al-Chidiack - alias Hervé Falciani -, disant représenter la société Palorva domiciliée à Hong-Kong, lui a bien présenté, ce 4 février 2008, sur un ordinateur portable, un document comportant des listings de numéros de comptes, de numéros de fax, d'adresses et de positions. Le témoin l'assure aux enquêteurs, Falciani souhaitait vendre cette base de données qui, lui aurait-il affirmé, a été constituée par l'interception de fax et d'e-mails.

A l'issue de ce périple libanais, aucune transaction financière n'est pourtant réalisée. "Personne n'a rien gagné dans cette affaire", assure aujourd'hui Hervé Falciani.

Mais en cet hiver 2008, le couple n'est pas en mal d'imagination. Si les banques ne veulent pas de leur outil, pourquoi ne pas tenter de le vendre à des services de renseignement ? C'est à cette époque que la DGSE entend parler de l'informaticien. "Georgina a cherché des axes de financement du projet, relate-t-il. Il y avait des banques, mais également des agences..."

C'est ainsi que le BND, les services secrets allemands, reçoit le 8 mars 2008 un étrange courriel : "J'ai la liste complète des clients de l'une des cinq plus grandes banques privées, cette banque est basée en Suisse, j'ai aussi l'autorisation d'accès au sytème d'information." Il émane d'une adresse mail créée par le couple pour l'occasion : "toomuchwalls@yahoo.fr".

"Mon objectif, détaille Hervé Falciani, était de savoir si je pouvais aider d'une quelconque façon ces services à lutter contre la "tax evasion" (l'évasion fiscale). Par ces mails, le but était d'établir un dialogue. C'est un mail d'accroche, mais qui ne reflète pas la réalité. (...) Le contenu est faux. (...) Je ne sais pas si j'avais cette liste que je marque..." Hors procès-verbal, mais inscrit dans la procédure, il confie avoir eu un contact avec Jean-Patrick Martini, un fonctionnaire français, membre de la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF).

Le couple ne le sait pas encore, mais il est sous le coup d'une dénonciation de l'Association suisse des banquiers, datée du 20 mars 2008, qui l'empêche de mener à bien ses projets. Trois numéros de téléphone enregistrés au nom de Georgina Mikhael sont surveillés. Le 22 décembre 2008, des perquisitions sont opérées chez HSBC, le couple est interrogé. Convoqué pour le lendemain, Hervé Falciani ne donne plus signe de vie. Il s'est enfui en France, en louant une voiture, qu'il abandonne à l'aéroport de Nice.

Il s'est d'abord réfugié dans un hôtel de Menton, avant de s'installer dans la maison de campagne de ses parents, à Castellar (Alpes-Maritimes). "Je suis rentré en France pour que ma femme et ma fille aient un soutien familial, vu la tournure des événements en Suisse", raconte celui qui, désormais, est un fugitif. Le 24 décembre 2008, il passe un coup de fil aux autorités suisses pour les informer de sa désaffection, dit vouloir revenir le 29 décembre, puis se ravise, sur les conseils d'un avocat...

L'inquiétude prévaut, à Berne. On devine, en Suisse, que l'homme s'est volatilisé avec ses bases de données. Très vite, le 9 janvier 2009, une demande d'entraide judiciaire et un mandat d'arrêt sont envoyés en France. La procédure atterrit sur le bureau d'Eric de Montgolfier, le procureur de Nice. Dès le 20 janvier, à 7 heures, les gendarmes, accompagnés d'enquêteurs suisses, perquisitionnent le domicile provisoire d'Hervé Falciani. Ils saisissent une unité centrale d'ordinateur, un carnet de notes jaune à spirales, un téléphone portable, ainsi qu'un ordinateur portable.

Celui qui est présenté comme un vulgaire voleur par les Suisses est placé en garde à vue dans la foulée. Visiblement, il a conservé ses données informatiques. Encore faut-il pouvoir les exploiter. Du coup, la justice française demande à son homologue suisse une liste de mots-clés, afin de cibler son expertise. 51 mots-clés sont transmis aux Français. Parmi ceux-ci, DNEF, BND, BNP Paribas, Renseignement ou encore Georgina.

Hervé Falciani est remis en liberté mais ses explications intéressent fortement M. de Montgolfier qui pressent le caractère exceptionnel du dossier. Il ne se trompe pas. L'affaire prend très vite les atours d'un séisme diplomatique et judiciaire. Car, pendant que les experts tentent de faire "parler" l'ordinateur du suspect, Hervé Falciani ne demeure pas inactif. Il coopère avec les autorités françaises, transmet ses bases de données au fisc français via l'un de ses contacts à la DNEF. Il assure ne pas avoir été rétribué.

Le 9 mars, l'expertise informatique est finalement transmise au procureur de Nice. Celui-ci estime qu'au moins 130 000 dossiers - gravés sur un DVD - figurent dans ces listings. Il suspecte un éventuel délit, ordonne une enquête préliminaire pour "blanchiment". Et, le 9 juillet, donne à son tour le résultat de l'expertise à Bercy. Voilà comment, un fichier censément volé à Genève devient "légal" à Paris. A tel point qu'Eric Woerth, ministre du budget, peut brandir à la télévision, dès août 2009, la liste des contribuables français censés être indélicats. Avec, en perspective, le rapatriement en France de quelques centaines de millions d'euros qui dormaient en Suisse.

Las, l'affaire n'est pas si simple. La Confédération n'entend pas laisser piller ses secrets bancaires, surtout s'ils ont été dérobés. Elle réclame le retour de la procédure judiciaire. La France traîne les pieds, argue du fait qu'un agent de la DNEF est concerné, ce qui peut porter atteinte aux intérêts du pays. Un climat tendu, qui explique les escarmouches diplomatico-judiciaires récentes. A la mi-décembre, en toute discrétion, le procureur Eric de Montgolfier et le fisc français ont décidé d'unir leurs efforts. Les 2 953 Français concernés peuvent cauchemarder.

Gérard Davet

Le Sénat renonce à assimiler la Suisse à un paradis fiscal

Le Monde | 18 décembre 2009

Le Sénat a renoncé, vendredi 17 décembre, à pointer du doigt la Suisse en retirant, à la demande expresse du ministre du budget Eric Woerth, un amendement qui revenait à inscrire la Confédération helvétique sur la liste noire des paradis fiscaux.

L'amendement, discuté dans le cadre du collectif budgétaire 2009, prévoyait que les Etats qui n'ont pas ratifié leur "convention d'assistance administrative" passée avec la France soient considérés comme "non coopératifs" dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il ne citait pas expressément la Suisse mais il visait bien Berne, qui a annoncé mercredi qu'il allait suspendre le processus de ratification parlementaire de l'accord fiscal France-Suisse, pour protester contre l'utilisation par les autorités françaises de données volées à la banque HSBC à Genève.

D'ailleurs, la veille, le président centriste de la commission des finances Jean Arthuis et le rapporteur général du budget Philippe Marini (UMP) avaient nommément désigné la Suisse en présentant leur amendement à la presse.

"Cet amendement part d'une bonne intention" mais "dans le cadre de nos relations internationales, je ne veux pas rajouter de l'huile sur le feu", a lancé M. Woerth en direction des sénateurs. "Il ne faut pas adopter cet amendement tel quel. Je vous le demande ! Je vous le demande !", les a-t-il exhortés.

jeudi 17 décembre 2009

La Suisse sort ses sanctions contre Paris

Libération | 17 décembre 2009

L’affaire des fichiers volés à la banque HSBC menace l’accord de coopération.

Une vraie guerre fiscale entre Berne et Paris. Pour protester contre la récupération de données volées à la banque privée HSBC, la Suisse a décidé hier de suspendre la ratification du tout nouveau tout beau projet d’accord de coopération fiscale avec la France. En ligne de mire : Eric de Montgolfier, procureur de Nice, qui dispose d’un listing de plusieurs dizaines de milliers de noms, «volé» dans la filiale genevoise de HSBC en mai 2008, et qu’il a remis à Bercy.

Un dossier transmis par le Français Hervé Falciani, désormais planqué à Monaco pour éviter les foudres de la Suisse. Le procureur niçois affirme que les clés de décryptage des données lui ont été fournies par la justice helvète. Mais cette dernière dément : «Elles sont issues d’un vol, donc inutilisables.»

Pour les autorités suisses, et la presse à l’unisson, c’est un nouveau viol du pays par un grand Etat abusant de la «loi du plus fort», comme le souligne24 Heures. La France a-t-elle, au nom de la raison (fiscale) d’Etat, piétiné les principes élémentaires du droit ? C’est ce qu’a laissé entendre hier Hans-Rudolf Merz, ministre suisse des Finances et président en exercice de la Confédération. Outré par les méthodes françaises, il a annoncé qu’il demanderait au Parlement de ne pas ratifier la convention de double imposition facilitant l’échange d’informations avec Paris. Signée au printemps, elle avait permis à Berne - qui a conclu des conventions semblables avec douze autres Etats - de quitter la fameuse «liste grise» des paradis fiscaux de l’OCDE.

Les Suisses tentent de répliquer : «Dans un Etat de droit, ce genre de procédé n’est pas acceptable, a jugé Merz. La Suisse ne peut pas accorder d’entraide sur une telle base.» Faute d’avoir eu accès aux informations sorties du pays par Hervé Falciani, la Suisse n’est pas en mesure de dire quel matériel est aux mains de Paris. La France affirme disposer des données de 3 000 clients de banques suisses soupçonnées d’évasion fiscale.

Selon l’avocat genevois Marc Bonnant, «la question est moins de savoir qui a raison que de constater que les autorités suisses font preuve d’une naïveté incroyable… pour ne pas parler d’une impréparation totale dans ce qui est une guerre fiscale totale». «Si la Suisse persistait dans cette voie, prévient-on à Bercy, elle enverrait au monde un signal ambigu.»

Paradis fiscaux: les sénateurs vont-ils oser blacklister la Suisse?

L'amendement adopté prévoit que les Etats qui, au 1er janvier 2010, n'auront pas ratifié leur «convention d'assistance administrative» avec la France, sont considérés comme «non-coopératifs» dans la lutte contre les paradis fiscaux. Reste à le voter.

Les représailles n'ont pas attendu. Hier mercredi, pour protester contre la récupération de données volées à la banque privée HSBC, la Suisse avait décidé de suspendre la ratification du tout nouveau tout beau projet d’accord de coopération fiscale avec la France.

Ce jeudi midi, les sénateurs français ont adopté ce jeudi en commission l'amendement qui permet d'inscrire la Suisse sur la liste noire française des paradis fiscaux au 1er janvier 2010.

Cet amendement sera soumis à l'avis du gouvernement lors de sa discussion en séance publique dans l'après-midi. Puis il sera adopté ou rejeté par les sénateurs.

Il a été présenté par le président centriste de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, et son rapporteur UMP, Philippe Marini, dans le cadre du collectif budgétaire 2009.

Il prévoit que les Etats qui, au 1er janvier 2010, n'ont pas ratifié leur «convention d'assistance administrative» passée avec la France, sont considérés comme «non-coopératifs» dans la lutte contre les paradis fiscaux.

«Nous apprenons que les autorités fédérales suisses n'ont pas l'intention» de ratifier la convention d'échange d'informations fiscales signée entre les deux pays, a déclaré Philippe Marini.

«Si tel est le cas, nous sommes fondés à ajouter la Suisse à cette liste» des Etats non-coopératifs qui doit être fixée dans le cadre de mesures de lutte contre les paradis fiscaux figurant dans le collectif budgétaire, a ajouté le sénateur.

HSBC : l'ultimatum suisse à la France

Le Figari | 18 décembre 2009

Berne exige la restitution des données de la banque et Paris évoque l'«intérêt supérieur de l'État».

La liste de comptes de la HSBC Private Bank dévoilée grâce aux codes informatiques apportés à la France par Hervé Falciani est au centre d'une bataille inédite entre les justices suisse et française. La procureure fédérale helvète qui suit l'enquête depuis ses débuts vient en effet de demander dans un courrier adressé aux autorités françaises la restitution immédiate des très sensibles codes.

La représentante du département fédéral de la justice et du service de «la protection de l'État et des délits spéciaux» fixe la date du 25 décembre 2009 pour «la restitution des pièces issues de l'exécution de l'entraide judiciaire».

Sinon, énonce-t-elle sans fard, ce sera le constat que la France refuse d'appliquer «la convention européenne d'entraide en matière pénale». Ce texte datant de 1958 fixe les règles de la collaboration entre les enquêteurs des deux pays.

Place Vendôme, après examen du dossier d'entraide, plusieurs voix militent en faveur de la restitution des documents d'enquête aux Suisses. Mais ce geste serait un signal négatif envoyé aux services fiscaux et au ministre du Budget, Éric Woerth.

Bercy, après avoir dans un premier temps bénéficié des informations d'«Hervé» par le biais des services de renseignement, les avait dans un second temps reçues de façon tout à fait officielle grâce à une transmission par le parquet de Nice en date du 9 juillet 2009.

La restitution des données à la Suisse serait surtout un coup majeur porté à l'enquête. Les investigations du procureur de Montgolfier s'attachent aujourd'hui à vérifier si des capitaux issus du trafic de drogue ou d'abus de biens sociaux ont été mis au jour.

La gravité de ces soupçons permet précisément de refuser la demande de la procureure fédérale suisse. L'article 2 de la convention d'entraide stipule en effet que si le pays sollicité (ici, la France) «considère que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte (…) à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays», l'entraide peut être refusée.

Jeu de dupes

Dans cette bataille entre la France et la Suisse, chaque pays estime avoir été piégé par l'autre. Un jeu de dupes s'est en effet progressivement invité dans l'enquête après que les autorités helvètes ont diffusé, le 9 janvier 2009, leur demande visant Hervé Falciani et sa complice présumée.

Le parquet fédéral présentait alors les faits comme un vol et ne faisait pas état de contacts avec les services français - qu'il s'agisse des services fiscaux ou des services de renseignement.

Les Suisses ignoraient-ils alors vraiment qu'Hervé Falciani était une source des autorités françaises ? Un détail semble attester du contraire. Le 18 février 2009, la procureure fédérale a en effet communiqué à la justice française les mots-clés lui permettant «d'exploiter par (ses) services les données » d'Hervé Falciani.

Le courrier était donc accompagné d'une liste de plusieurs mots-clés : des noms de banques, des noms de clients mais aussi la mention «DNEF»... DNEF, comme la Direction nationale des enquêtes fiscales, avec laquelle Hervé Falciani aurait été mis en relation à la période où il entendait, selon ses dires, dénoncer l'opacité organisée du système bancaire mondial.

Crise entre la Suisse et la France dans l'affaire des évadés fiscaux

Le Monde - 16 décembre 2009

Pas une affaire d'Etat, ni même une affaire diplomatique, mais une affaire fiscale. Du ministère du budget à l'Elysée, tout l'appareil d'Etat s'emploie à minimiser le coup de colère de la Suisse à l'égard de la France, dans l'affaire de la liste d'évadés fiscaux présumés, volée à la banque HSBC à Genève avant d'être transmise au fisc français par l'informaticien Hervé Falciani, via la justice française.

Pour protester contre ce procédé de "récupération" de données volées, le président du Conseil fédéral suisse et ministre des finances, Hans-Rudolf Merz, a annoncé, mercredi 16 décembre 2009, qu'il suspendait le processus de ratification de l'accord de coopération fiscale, signé en août 2009 avec la France.

"Il s'agit d'un processus qui doit mettre la Suisse en conformité avec les standards internationaux en matière d'échange d'informations. Si les autorités suisses agissent ainsi, ce sera un bien mauvais signal donné au G20", avertit-on au ministère du budget, dans l'entourage d'Eric Woerth.

Ce que le ministre formule ainsi, dans un entretien à La Tribune du jeudi 17 décembre 2009: "Je n'imagine pas (…) que la Suisse ne confirme pas son intention de faire partie du mouvement mondial de levée du secret bancaire et de coopération entre les administrations fiscales. C'était tout l'enjeu des derniers G20."

Le fond du problème est également d'ordre judiciaire. En effet, la Suisse, via son procureur fédéral, réclame à la France la transmission de pièces d'exécution de sa demande d'entraide judiciaire, formulée en janvier 2009.

Seul le rapport d'expertise informatique des données que possédait Hervé Falciani n'a pas encore été transmis à la Suisse. Bercy ne semble pas forcément désireux de communiquer toutes les pièces de la procédure à la Suisse, arguant du fait que le nom d'un agent du fisc, Jean-Patrick M., figure dans les éléments du dossier, et que cette transmission pourrait porter atteinte aux intérêts de la France. La chancellerie, elle, pencherait plutôt pour une coopération judiciaire totale avec la Suisse.

A l'Elysée, où l'on confirmait, mercredi, le soutien de Nicolas Sarkozy à M.Woerth, et à sa méthode pour traquer l'évasion fiscale, le ton est tout aussi mordant: "La Suisse a conclu une nouvelle convention d'échanges fiscaux avec nous, il serait regrettable qu'elle remette en cause un processus qui lui a permis de sortir de la liste grise de l'OCDE (la liste des paradis fiscaux non coopératifs), souligne un proche du chef de l'Etat. C'est dans son intérêt d'être dans le mouvement parti du G20 de Londres, en avril, qui conduit les paradis fiscaux à lever leur secret bancaire."

"LE MONDE A CHANGÉ"

Et ce collaborateur d'ajouter: "Il est temps d'accepter le fait que le monde a changé! Il y a un avant et un après-crise."

Sur le fond du dossier, au sommet de l'Etat, la France récuse, avec une grande fermeté, l'accusation à peine voilée de la Suisse selon laquelle elle pourrait s'être rendue coupable de recel. Les services de Bercy, précise-t-on, sont restés sur le terrain du droit et de la loi. Ils n'ont pas utilisé une liste volée, ce qui aurait été inapproprié, mais ils ont agi à la suite d'une saisine de la justice.

En clair, bien que les services de Bercy aient eu connaissance, de leur côté, via l'un de leurs agents, de l'existence de cette liste volée par un ex-employé d'HSBC, ils ont attendu d'être saisis par le parquet de Nice pour enquêter sur ce fichier.

Appelé à l'aide par la Suisse, qui voulait mettre la main sur cet informaticien franco-italien de 37 ans enfui en France, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, Eric de Montgolfier, procureur de Nice, avait, en effet, décidé d'ouvrir une enquête préliminaire.

L'origine trouble des informations empêchait l'administration fiscale d'agir. Mais l'intervention de la justice française, qui enquête sur des faits de blanchiment potentiel d'argent caché à l'étranger, a donné une base légale à son enquête. Les contrôles fiscaux qui pourraient en découler s'en trouveraient par là même fondés, ajoute-t-on à Bercy.

"Dès lors qu'elle a été transmise par la justice, cette fameuse liste volée change de nature. Elle devient exploitable et les contrôles légaux. Ceux-ci peuvent être menés à leur terme", confirme un avocat pénaliste. S'il juge la méthode irréprochable en droit, l'expert précise cependant qu'"exploitable ne veut pas dire opposable: l'administration ne peut déduire de cette liste qu'il y a fraude fiscale".

Ainsi, la France semble décidée à croiser le fer avec la Suisse. "Nous cherchons à lutter contre l'évasion fiscale et à obtenir des résultats, il faut s'attendre à ce que cela crée des remous", lance un collaborateur d'Eric Woerth.

Tout en soulignant que dans les précédentes offensives contre l'évasion fiscale, notamment l'affaire de fraude fiscale massive opérée par des contribuables allemands au Lichtenstein en 2008, les autorités allemandes avaient révélé avoir acheté des informations secrètes, ce collaborateur souligne: "On a d'abord dit que la liste Woerth était un coup de bluff, on conteste maintenant la méthode, que dira-t-on ensuite? Faut-il voir, derrière ces offensives, la patte de ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change?"

Gérard Davet, Anne Michel

lundi 14 décembre 2009

HSBC : l'informaticien voulait moraliser le système

Hervé Falciani, qui avait «une vision messianique et sincère» selon le procureur Éric de Montgolfier, est sorti du silence dimanche.

Ni voleur, ni en fuite, ni payé par la France pour fournir des données bancaires secrètes… L'informaticien franco-italien de 38 ans dont les données sont aujourd'hui exploitées par la justice et le fisc français, a choisi dimanche de montrer son visage pour désamorcer les rumeurs qui l'entourent.

«Je n'ai pas peur, je ne me cache pas», a dit Hervé Falciani interrogé sur France 2, dévoilant même son identité complète. Le jeune homme, brun aux yeux marron, a confirmé que des motivations éthiques l'avaient guidé dans sa démarche et dans l'assistance technique qu'il prête aujourd'hui aux enquêteurs.

«Si vous découvrez que des strates de structures offshore ne servent qu'à contourner les prélèvements et que la seule légitimité de ces structures est là, que faites-vous ? Soit vous faites l'autruche soit vous essayez de comprendre !»

Face à la justice, Hervé Falciani avait déjà exprimé ce credo. Ses motivations étaient clairement exprimées dès le mois de juin dernier alors que l'enquête sur ses fichiers était déjà bien engagée. À cette date, il insiste pour être reçu par le procureur de la République de Nice en personne. Rendez-vous est pris pour le 5 juin 2009 avec Éric de ­Montgolfier.

Falciani lui décrit ses fonctions au sein de la banque HSBC Private Banking de Genève puis il raconte qu'il a été choqué par la quantité de «capitaux impurs» qu'il a vu défiler. Il fait part de ses surprises, mais aussi de ses frustrations : à chaque fois qu'il a proposé des modifications de l'architecture du système des données, il lui a été rétorqué que le secret des transactions s'imposait avant tout.

Face à un magistrat qui lui aussi s'interroge sur «les multiples systèmes garantissant l'anonymat et la discrétion de ces flux financiers, laissant croire qu'il y a beaucoup à cacher», Hervé Falciani détaille ses observations. Selon lui, le système bancaire est responsable de la crise financière qui, dit-il, l'a beaucoup choqué.

«Révolté», selon les termes de Me Patrick Rizzo, «dégoûté», selon les mots du procureur, il collecte à compter de ce jour des données de la banque, comme des preuves à charge. «Il refusait, dit son avocat, de travailler, même indirectement pour le crime organisé».

Aujourd'hui, jauge Éric de Montgolfier, la démarche du jeune informaticien est déterminée. «Il a une vision messianique et sincère», confie le magistrat. Le qualificatif de «messianique» («qui appartient au messie», dit le Littré) inscrirait la démarche d'Hervé Falciani dans un cadre pur et désintéressé. Un déclencheur de la fuite de l'informaticien vers la France a pourtant été la crainte de poursuites pénales.

Le 23 décembre 2008, alors qu'il avait été interpellé la veille au sein même de la banque pour «soustraction de données», il avait décidé de quitter la Suisse pour la France. Il y vit désormais protégé. Les autorités confédérales pourraient exprimer, dans les semaines qui viennent, quels sont leurs souhaits sur son sort.



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La Suisse a aidé la France à décrypter les fichiers

Nul ne sait aujourd'hui ce que donnera le décryptage total des données amenées au fisc et à la justice française par le biais d'Hervé Falciani, mais il apparaît que la justice suisse a appuyé les enquêteurs français dans leur recherche des secrets contenus dans les disques durs.

Le 18 février 2009, la Suisse a ainsi fourni à la France plusieurs pages de mots-clés permettant de décrypter plus facilement les données saisies dans l'ordinateur de Falciani lors de son interpellation, un mois plus tôt, à la demande des Suisses.

Cette liste de mots-clés figure en annexe d'une lettre adressée par la procureur fédérale de Bern au parquet de Nice.

«Je vous remets ci-après les mots-clés en vue de l'exploitation par vos services des données», précise alors la magistrate helvète qui entend éviter de «fastidieuses» copies de documents. Les mots-clés fournis et les codes connus permettent une exploitation précise des données informatiques. À l'origine, elles ne sont pas sous la forme d'une liste de comptes mais de données cryptées qu'il convient de continuer à décoder.

À ce jour, 4 000 comptes au nom de personnes ou de sociétés françaises ont déjà été identifiés pour des avoirs correspondant à 6 milliards d'euros. Dimanche dans le JDD, Éric de Montgolfier évoquait même 130 000 noms de personnalités concernées à travers le monde.

Dès que des faits de blanchiment ont été soupçonnés par le procureur, l'ouverture d'une enquête préliminaire a fait que la Suisse ne pouvait plus compter sur le retour d'Hervé Falciani ni de ses données. Leur présence est toujours indispensable en France pour les nécessités de l'enquête.

jeudi 10 décembre 2009

En 2008, l'Allemagne a acheté 4 millions d'euros des listings de contribuables coupables d'évasion fiscale

Le Monde, 10 décembre 2009

"La fin justifie les moyens." Tel pourrait être l'adage de Berlin dès qu'il est question de fraude à l'impôt, comme l'a démontré le scandale qui a éclaté outre-Rhin en février 2008.

Pour tenter de démasquer plusieurs centaines de contribuables coupables d'évasion fiscale vers le Liechtenstein, les autorités allemandes n'avaient pas hésité à mettre la main au porte-monnaie : en collaboration avec les experts du fisc, les services secrets extérieurs (BND) avaient acheté à un informateur des listings confidentiels pour plus de 4 millions d'euros. "De l'argent très bien investi", avait estimé à l'époque le ministère des finances.

L'"honorable correspondant" n'était autre qu'un ancien employé de la LGT, la banque de la famille princière au Liechtenstein. Plus précisément, Heinrich K. travaillait pour la LGT Treuhand, une filiale du groupe spécialisée dans la création de fondations. Ce collaborateur infidèle avait transmis au BND, moyennant finances, un CD comprenant les données bancaires de plus d'un millier de clients, volées par ses soins quelques années plus tôt.

L'affaire a fait couler beaucoup d'encre en Allemagne. Mais les méthodes employées par les autorités n'ont pas franchement suscité l'émoi de l'opinion publique, sans pitié pour les fraudeurs. Elles ont, en revanche, provoqué les foudres du Liechtenstein : la principauté a accusé Berlin d'avoir violé sa souveraineté en usant du droit du plus fort et au mépris des accords internationaux.

Face à ces attaques, le gouvernement allemand n'a pas cillé. Sûr de son bon droit, il a éreinté le secret bancaire en vigueur au Liechtenstein. Pendant plusieurs mois, les échanges entre les deux pays ont été vifs.

La chancelière Angela Merkel a réclamé plus de transparence sur les flux de capitaux à destination de la principauté. Elle a engagé Vaduz à signer une série de protocoles internationaux, notamment pour faciliter les enquêtes sur la fraude fiscale, menaçant en retour de ne pas ratifier l'accord sur l'entrée de la principauté dans l'espace Schengen. De cette époque date la détermination de l'Allemagne à partir en croisade - main dans la main avec la France - contre les paradis fiscaux.

La banque LGT a dû, quant à elle, essuyer les conséquences des indiscrétions de son ancien employé : nombre de clients ont porté plainte après avoir appris que leur nom figurait sur le fameux CD vendu par la "taupe". Pour l'Allemagne, l'affaire a, semble-t-il, été lucrative. Les listings ont permis de mettre la main sur quelques gros poissons dont le plus connu est Klaus Zumwinkel, l'ancien chef de la Deutsche Post, la poste allemande. Il était accusé d'avoir soustrait au fisc près d'1 million d'euros, parqués dans une fondation au Liechtenstein. Dès l'éclatement du scandale, il a démissionné de ses fonctions. En janvier, il a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende équivalente à ses arriérés d'impôts.

Patrons de grosses PME régionales, promoteurs immobiliers, grandes familles fortunées, ont été piégés par l'affaire. Perquisitions, enquêtes et procès se sont succédé à un rythme soutenu pendant des mois.

Le scandale a même pris une dimension internationale car les données bancaires en possession des autorités allemandes concernaient des ressortissants d'une dizaine de pays. Une liste de deux cents noms a ainsi été transmise à la France.

Outre-Rhin, une disposition de la législation fiscale permettant au fraudeur de s'auto-dénoncer afin d'éviter les poursuites a été largement utilisée. Le fisc a pu récupérer par ce biais plusieurs dizaines de millions d'euros. Un bon retour sur investissement, comme l'avait prédit le ministère des finances allemand...

Marie de Vergès

Evadés fiscaux : les données volées de HSBC sont-elles exploitables ?

Le Monde, 10 décembre 2009

Selon Bercy, le cheminement complexe suivi par le fichier volé par un ex-employé de la banque HSBC de Genève sur des contribuables français le rend légal et exploitable par le fisc. La révélation, mercredi 9 novembre, de cette affaire par Le Parisien a mis en doute la légalité des moyens auxquels le gouvernement a eu recours pour constituer sa liste de 3 000 contribuables français titulaires de comptes en Suisse ou dans d'autres pays à la fiscalité avantageuse.

Le ministre du budget, Eric Woerth, a reconnu mercredi soir que l'ancien employé des services informatiques de HSBC Private Bank de Genève était "une source", parmi d'autres, qui avait permis à la France d'établir sa liste, tout en assurant qu'aucune donnée n'avait été monnayée. Jeudi, l'entourage d'Eric Woerth a affirmé qu'une "partie" des données en possession de Bercy provenait des éléments piratés dans la filiale genevoise de la banque britannique.

Selon une source proche du dossier, c'est en fait "une grosse partie" de cette "liste des trois mille" qui a comme origine le fichier volé, qui concerne lui-même "plusieurs milliers de contribuables". HSBC, qui a reconnu le vol subi fin 2006 et début 2007, assure de son côté dans un bref communiqué que cette affaire ne porte que sur une dizaine de noms. "Probablement pour ne pas détériorer son image auprès de ses clients qui tiennent au secret bancaire", estime cette source.

TRANSMISSION PAR LA JUSTICE

Les données ainsi obtenues peuvent-elles être utilisées par l'administration ? Oui, assure Bercy. Dans un premier temps, l'ancien employé de HSBC a communiqué ses informations piratées à l'administration fiscale, explique-t-on au ministère du budget, mais cette transmission directe d'un fichier volé rendait son exploitation illégale.

Parallèlement, le même homme a fourni sa liste au parquet de Nice, saisi par les autorités suisses qui enquêtent sur le vol subi par HSBC. Le procureur de la République de Nice a "retransmis" officiellement au fisc les données susceptibles de contribuer à la lutte contre la fraude. Cette procédure judiciaire légalise ces informations. "Il n'y a en aucun cas recel à partir du moment où nous nous appuyons sur des éléments transmis par la justice", plaide Bercy.

Des avocats fiscalistes interrogés par l'AFP partagent cette interprétation. "Certains avocats pourront tenter de contester leur utilisation devant les tribunaux", dit l'un d'eux, "mais jusqu'ici, rien ne permet de dire que c'est illégal". Un autre estime toutefois que "Bercy n'a pas besoin de se servir de ces données dans un cadre officiel : il lui suffit de mettre subtilement la pression sur les personnes concernées, pour les inciter à régulariser leur situation". Car la France a ouvert en avril un guichet pour permettre aux détenteurs d'avoirs clandestins à l'étranger de les rapatrier en contrepartie de pénalités moins lourdes. Cette cellule, qui fermera le 31 décembre, a déjà permis de régulariser 1 400 cas, ce qui rapportera à l'Etat, en impôts recouvrés, 500 millions d'euros supplémentaires.

Note:

"Beaucoup plus de 3 000 noms""Il y a beaucoup plus de 3 000 noms sur ces listings", explique le procureur de Nice Eric de Montgolfier dans une interview à paraître vendredi 11 décembre dans Metro. "Nous sommes tombés sur un gros morceau" confirme le magistrat en charge de l'enquête sur les fichiers d'évadés fiscaux, qui s'intéresse plus particulièrement aux soupçons de blanchiment d'argent.

"Nous avons constaté un système d'évasion fiscale. Mais cela ne me concerne pas et j'ai transmis les informations au fisc", explique Eric de Montgolfier. "Il y avait d'autre part des éléments pouvant correspondre à du blanchiment", continue-t-il pour expliquer l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "suspicion d'origine frauduleuse de fonds".

mercredi 9 décembre 2009

Evasion fiscale : la liste des noms proviendrait d'un vol

Le Figaro, 9 décembre 2009

Un ex-employé de la HSBC genevoise serait à l'origine de la liste des 3.000 noms détenteurs de comptes en Suisse. Eric Woerth parle de sources légales.

L'affaire va faire grand bruit. Le Parisien dévoile ce mercredi qu'au moins une partie de la liste des 3.000 détenteurs de comptes en Suisse, soupçonnés d'évasion fiscale par Bercy en août dernier, serait issue d'un vol. L'auteur du larcin serait un ancien cadre informatique de la HSBC Private Bank de Genève. Frustré par sa direction, il aurait craqué le système informatique de cet établissement fin 2008 afin de mettre la main sur l'identité des détenteurs de compte. Puis il se serait réfugié en France en 2009, près de Nice, afin de transmettre ces précieuses informations au fisc français.

Le journal révèle qu'une enquête aurait été diligentée par la Suisse début 2009. La justice helvète réclame à la France l'homme et sa liste. En vain. Cette dernière reste sourde à ses appels. Pire aux yeux de la procureure fédérale suisse, la France exploiterait le document afin de traquer ses compatriotes détenant un compte à la HSBC genevoise.

Selon le Parisien, une enquête préliminaire aurait été ouverte en juin 2009 «dans la plus grande discrétion» par le procureur niçois Eric de Mongolfier. Ce dernier, qui soupçonne certains des habitants de son territoire de blanchiment d'argent en Suisse, aurait monté une cellule composée de gendarmes et de douaniers, chargée d'éplucher les comptes. Un travail de longue haleine qui nécessite l'aide du seul homme capable de décoder la liste : le voleur des données suisse. «Il a fabriqué les codes, il est le seul à en connaître les clés. Pour l'instant, il est assez coopératif», témoigne un enquêteur dans les colonnes du parisien.

«Des sources multiples»

Pour le moment, Bercy n'infirme pas l'information mais ne la confirme pas non plus. Le ministère des finances assure qu'il dispose de «plusieurs sources». Alors que l'article laisse entendre qu'une transaction du type échange de données contre protection aurait pu avoir lieu, le gouvernement précise «qu'il n'a jamais payé pour obtenir quelque liste que ce soit».

Eric Woerth a réagi à cette information à la sortie du Conseil des ministres. Selon lui, les listes de personnes soupçonnées d'évasion fiscal que détient actuellement le gouvernement «proviennent de plusieurs sources», sont «légales». Le ministre du Budget a ajouté avoir obtenu ces documents de «manière spontannée» et que «ces informations ne sont pas anonymes, nous ne prenons pas les informations anonymes, et ces informations ne sont pas rémunérées».

Interrogée sur la question ce mercredi matin au micro d'RMC-Info, la ministre de l'économie Christine Lagarde avait déjà démenti: «je l'ai appelé (Eric Woerth) pour lui demander si on avait payé, il m'a dit qu'on ne paye pas».

La ministre a bien confirmé que «le fisc français détient beaucoup d'informations parce qu'il y a des sources multiples». En revanche, elle a souhaité attirer l'attention sur les accords de coopération entre les pays. «Depuis un an, on mène un combat forcené pour faire revenir des expatriés fiscaux. On signe aussi avec de multiples pays, qui avaient refusé jusqu'à présent de nous donner des informations, des accords d'échanges d'informations avec la Suisse, le Luxembourg», a-t-elle précisé. Au total, ce sont 150 accords ces huit derniers mois pour avoir de l'information».

La banque HSBC de son côté confirme le vol mais doute que l'ensemble des 3.000 noms évoqués par Eric Woerth proviennent des fichiers volés. «Cela ne concerne pas plus de 10 noms», assure l'établissement.

Des centaines d'expatriés fiscaux de retour

Cette affaire relance la polémique sur la véracité des propos d'Eric Woerth. En août dernier, il assurait que les noms avaient été obtenus de manière tout à fait «anonyme, par des déclarations d'établissement». Les 3.000 personnes concernées par les soupçons d'évasion fiscale ont jusqu'au 31 décembre pour se manifester.

D'après Christine Lagarde, plusieurs centaines d'expatriés fiscaux seraient déjà revenus dans l'hexagone. Selon Bercy, le montant des placements des 3.000 contribuables français détenant des comptes dans trois banques en Suisse s'élève à trois milliards d'euros.

La liste de fraudeurs détenue par Bercy proviendrait en partie d'un vol

Le Monde, 9 décembre 2009

La liste des 3 000 fraudeurs fiscaux français détenue par le ministère de l'économie proviendrait pour partie d'un vol commis fin 2008 par un employé de la HSBC de Genève, affirme le Le Parisien-Aujourd'hui en France du mercredi 9 décembre 2009.

"On ne confirme ni n'infirme", précise le ministère du budget, en rappelant qu'Eric Woerth a "toujours assuré qu'il avait plusieurs sources" pour établir la liste et "qu'il n'a jamais payé pour obtenir quelque liste que ce soit".

Le ministre du budget avait révélé fin août 2009 être en possession d'une liste de noms de contribuables français détenteurs de comptes bancaires en Suisse pour un montant de trois milliards d'euros. Le gouvernement les a invités à régulariser leur situation d'ici au 31 décembre 2009.

Eric Woerth avait déclaré que ces informations avaient été obtenues de manière anonyme et sans contrepartie financière. "La France aurait mis en place une cellule d'enquête, composée pour partie d'agents des douanes, chargée d'analyser 'plusieurs milliers de comptes' provenant du vol", avance le quotidien.

"Une partie de cette liste proviendrait d'un vol commis fin 2008, au préjudice de la HSBC Private Bank de Genève par un cadre du service informatique de la banque", ajoute Le Parisien. La banque a porté plainte. La Suisse a ouvert une enquête. La France, qui fait la sourde oreille, refuse pour l'instant de rendre aux Helvètes leurs données bancaires".

LE VOLEUR RÉFUGIÉ DANS LE SUD DE LA FRANCE

Selon Me Patrick Rizzo, l'avocat du cadre informatique interrogé par le journal, l'ouverture de l'enquête a obligé "les autorités fiscales à exploiter ces données" fournies à la France par son client. Celui-ci serait un franco-italien de 38 ans dont le nom n'est pas révélé. Il se serait réfugié dans le sud de la France. Le procureur de Nice, Eric de Mongolfier, aurait décidé, selon le Parisien, d'ouvrir une enquête préliminaire dans le plus grand secret, soupçonnant certaines personnes de son ressort territoire d'avoir ouvert des comptes dans la banque genevoise pour blanchir de l'argent.

Contactée par Le Parisien, la HSBC de Genève a confirmé le vol mais a assuré, en l'état actuel de ses connaissances, qu'il ne concernait "pas plus de dix clients" et que "les données sont anciennes et pas de nature sensible".