lundi 27 juillet 2009

Washington exigerait les noms de 10 000 titulaires de comptes chez UBS

Washington exigerait les noms de 10 000 titulaires de comptes chez UBS, Le Monde, 27 juillet 2009

Les autorités américaines n'exigeraient que les noms d'environ 10 000 titulaires de comptes, au lieu des 52 000 initialement demandés auprès de la banque suisse UBS, accusée de fraude fiscale aux Etats-Unis, a affirmé la presse helvétique.

Le département de la justice américain exigerait les noms de tous les clients ayant reçu aux Etats-Unis la visite de leur banquier suisse entre 2001 et 2007, soit 10 000 personnes, affirme le journal dominical Sonntags Zeitung, se référant à une source américaine non identifiée.

Alors que la banque helvétique a obtenu un ajournement du procès jusqu'au 3 août, une conférence téléphonique sera organisée mercredi par la justice américaine pour faire le point sur le dossier, selon la Sonntags Zeitung.

Selon l'ancien directeur financier de la gestion de fortune d'UBS Mark Branson, cité par le journal, UBS détenait en automne 2008 environ 47 000 comptes offshore américains, dont la moitié étaient des comptes de dépôt dotés de moins de 50 000 dollars.

Ces comptes ne devraient pas intéresser la justice américaine, contrairement aux quelque 20 000 comptes de valeurs mobilières qui n'auraient pas été déclarés au fisc, selon le journal.

mercredi 22 juillet 2009

Monaco ne se voit plus en paradis fiscal

Monaco ne se voit plus en paradis fiscal, Libération, 21 juillet 2007

C’est pour en finir avec l’étiquette de paradis fiscal, que la principauté de Monaco vient de mandater trois experts en communication pour redorer l’image du rocher. L’idée était en germe depuis le G20, assure-t-on de source officielle.

Slogan et autre publicités devront être prêts début 2010, lorsque la principauté sera en passe de quitter la liste grise des paradis fiscaux.

Ont été désignés comme experts, Stéphane Rozès, ex-DG du CSA et aujourd’hui patron de sa propre société en conseil, et Jean-Luc Mano, ex-journaliste converti à la com…

mercredi 15 juillet 2009

Paradis fiscaux : deux députés demandent de ne pas baisser la garde

Paradis fiscaux : deux députés demandent de ne pas baisser la garde, Le Monde, 15 juillet 2009

Comment lutter effectivement contre les paradis fiscaux, ces "trous noirs" du système financier international ? Le rapport présenté mercredi 15 juillet à la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ne dissimule pas l'ampleur de la tâche. Mais, affirment ses auteurs, Elisabeth Guigou (PS, Seine-Saint-Denis) et Daniel Garrigue (ancien UMP, non-inscrit, Dordogne), "il y a une fenêtre de tir étroite, qu'il ne faut pas laisser passer". La proposition de résolution qu'ils souhaitent faire adopter par la commission s'inscrit dans la perspective du prochain G20 des 24 et 25 septembre à Pittsburgh (Etats-Unis).

"PRÉOCCUPANT"

"Il y a un risque de rechute", souligne le rapport. Les deux députés, s'appuyant sur les déclarations d'intention des deux précédents G20, veulent continuer à avancer face aux acteurs du système financier qui souhaiteraient que tout recommence comme avant. Pour espérer obtenir du prochain G20 des avancées concrètes, estiment l'un et l'autre, il faut que l'Union européenne affirme sa détermination.

Les paradis fiscaux, insistent-ils, sont "présents sur tous les continents, notamment en Europe, et pas seulement dans les îles exotiques". Aussi, appellent-ils les Etats européens, à commencer par la France, à "sortir de l'ambivalence" : "Aura-t-on le courage de demander à nos banques d'arrêter les transactions avec ces pays-là ?", interroge Mme Guigou. "On se heurte à des freins et des blocages redoutables", soupire M. Garrigue.

Le rapport des deux députés regrette les atermoiements européens sur la mise en oeuvre de la "directive épargne" de 2003 sur l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. De même, les députés jugent "préoccupant" le retard pris en Europe pour la création de chambres de compensation pour les produits financiers dérivés négociés de gré à gré. Premier enjeu : "améliorer les dispositifs de supervision" et rendre "obligatoire" le recours à de telles chambres pour tous les produits dérivés normalisés. Ces produits, quasiment inexistants au début des années 1990, se sont développés à un rythme effréné, atteignant fin 2008 une valeur de 33,9 milliards de dollars selon la Banque des règlements internationaux (BRI).

Pour les deux députés, cependant, le véritable test de la volonté européenne concerne la proposition de directive sur les fonds d'investissement alternatifs, dite "directive hedge funds". Une proposition qu'ils jugent "inacceptable en l'état", la qualifiant de "cheval de Troie ".

"La proposition McCreevy mise sur la table par la commission Barroso est un véritable scandale, s'indigne Mme Guigou. On donne un passeport européen à ces fonds spéculatifs établis ailleurs, tout cela sous l'influence de la City de Londres."

Les deux membres de la commission des affaires européennes dressent un constat : depuis dix ans, la mobilisation politique pour lutter contre l'évasion fiscale, le blanchiment et le contournement des réglementations s'est affaiblie. Ils regrettent que la sphère financière ait explosé jusqu'à représenter l'équivalent de cinquante fois le montant du produit intérieur brut mondial.

Patrick Roger

mercredi 8 juillet 2009

Le Luxembourg retiré de la liste grise des paradis fiscaux

Le Luxembourg retiré de la liste grise des paradis fiscaux, Le Monde, 8 juillet 2009

e Luxembourg a été retiré, mercredi 8 juillet, de la liste "grise" des paradis fiscaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée au lendemain du G20 de Londres en avril.

Pour être radiés de cette liste grise, les pays qui y sont inscrits doivent renégocier chacun au moins douze accords d'échange d'informations fiscales entre pays. C'est ce qu'est parvenu à faire le Luxembourg, qui a notamment signé ces dernières semaines des accords avec la Finlande, le Royaume-Uni, et mardi, avec l'Autriche, autorisant partiellement la levée du secret bancaire dans ces pays. "Le Luxembourg a signé un avenant à son accord de double imposition avec la Norvège, portant à 12 le nombre d'accords d'échange d'informations fiscales et franchissant ainsi le seuil requis pour être considéré comme ayant substantiellement appliqué les règles internationales en la matière", a indiqué l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un communiqué.

Le Luxembourg passe ainsi sur la liste "blanche" des paradis fiscaux réunissant les territoires qui appliquent "substantiellement" les standards internationaux. Dans l'Union européenne, seules la Belgique et l'Autriche figurent désormais sur la liste "grise".

lundi 6 juillet 2009

Antiblanchiment : les avocats inquiets

Antiblanchiment : les avocats inquiets, le Monde, 6 juillet 2009

Les avocats protestent à nouveau contre la transposition de la directive européenne antiblanchiment qui les contraint à faire part de leurs soupçons de blanchiment dans des affaires de financement de terrorisme, mais aussi de fraude fiscale ou d'infractions passibles d'une peine de prison de plus d'un an, ce qui représente la majeure partie des délits.

Après de vives protestations et des procédures auprès de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat, les avocats ont limité le champ d'intervention de cette directive qui ne s'applique ni à leurs activités judiciaires, ni à leurs activités de conseil. La transposition française leur fait obligation de déclaration de soupçon dans leurs relations d'affaires .

Dans un projet de décret soumis au Conseil d'Etat, révélé par Le Figaro du 2 juillet 2009, le ministère de l'économie énumère les critères justifiant une déclaration de soupçon, comme "la réalisation d'une transaction immobilière à un prix manifestement sous-évalué", "le retrait fréquent d'espèces d'un compte professionnel", ou "le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité".

Ces obligations ne posent pas de problèmes aux banques, aux notaires, huissiers de justice ou aux représentants de casino et autres professions tenues de faire ces déclarations, mais contreviennent, pour les avocats, à la relation de confiance qu'ils ont avec leurs clients.

"Le client doit être sûr qu'il a affaire à un avocat et pas à un agent du fisc", explique Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux (CNB). "On ne nous demande pas de dénoncer une infraction mais un soupçon d'infraction. On ne bâtit pas une société démocratique sur des déclarations de soupçons", explique-t-il.

"Si un commerçant qui achète un appartement au bout de trente ans de travail me sollicite, dois-je faire une déclaration de soupçon parce qu'une partie de l'argent n'a pas forcément été déclarée ?", proteste le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel.

"L'ESSENTIEL PRÉSERVÉ"

Le président de la Conférence des bâtonniers, Pascal Eydoux, qui représente les barreaux de province, est plus mesuré. Il considère que l'essentiel a été préservé.

"Il n'est pas anormal, si un client conduit son avocat à faire des choses qui ne sont pas convenables, à le dénoncer à son bâtonnier." Le CNB prépare un document pour les avocats, intitulé : "Dissuader, pour ne pas dénoncer".

"Il ne s'agit pas de couvrir des délits d'un client ou d'un avocat, mais de donner la possibilité à l'avocat qui constate un éventuel problème de dissuader son client", plaide Thierry Wickers.

Christian Charrière-Bournazel est catégorique. Il ne transmettra pas les déclarations de soupçon, éventuellement fournies par les avocats de son barreau, à l'organisme antiblanchiment Tracfin : "Quand une loi est injuste, c'est un honneur de la transgresser".

Le CNB prévoit des recours devant le Conseil d'Etat, la Cour de justice des communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme.

Alain Salles

Sarkozy et Brown veulent des sanctions internationales contre les paradis fiscaux récalcitrants

Sarkozy et Brown veulent des sanctions internationales contre les paradis fiscaux récalcitrants, Le Monde, 6 juillet 2009

La France et le Royaume-Uni demandent, lundi 6 juillet 2009, l'instauration, à partir de mars 2010, de sanctions internationales contre les paradis fiscaux qui ne se conformeraient pas aux normes de transparence.

"Quand les paradis fiscaux ne se conforment pas aux normes internationales de transparence, il devrait y avoir une réponse globale robuste et coordonnée", a déclaré Gordon Brown, le premier ministre britannique, lors d'une conférence de presse conjointe avec Nicolas Sarkozy en marge du sommet franco-britannique d'Evian, en Haute-Savoie.

"Donc, nous demandons aujourd'hui qu'une date-butoir soit fixée en mars 2010 pour l'instauration de sanctions contre les paradis fiscaux, des sanctions qui pourraient inclure une révision des politiques d'investissement, l'instauration de taxes sur des fonds basés dans des paradis fiscaux ou le retrait de l'aide", a ajouté Gordon Brown.

vendredi 3 juillet 2009

La Suisse a-t-elle vraiment tué son secret bancaire?

La Suisse a-t-elle vraiment tué son secret bancaire?, L'expansion, 3 juillet 2009
Julie de la Brosse - 03/07/2009 15:03:00

La Confédération helvétique a signé des conventions fiscales avec plusieurs pays. Mais personne ne connaît réellement le contenu de ces textes. De quoi entretenir le flou sur la mort annoncée du secret bancaire suisse. Nos explications.

Le secret bancaire, c'est quoi ?

Sorte de secret professionnel, le "secret bancaire" désigne l'obligation qu'ont les banques de ne pas livrer d'informations sur leurs clients à des tiers. En Suisse, il existe depuis 1939 et donne au pays une attractivité fiscale non négligeable. Ainsi en 2008, les banques helvètes ont géré près de 4 3000 milliards d'euros, se plaçant ainsi au 3ème rang mondial.

Mais depuis des années la polémique enfle autour de ce secret bancaire. Avec la mondialisation, de nombreux pays ont vu l'évasion fiscale se développer, et ont donc demandé à la Suisse d'avoir accès aux comptes bancaires et aux détails des transactions de leurs ressortissants fraudeurs.

Une requête qui a toujours été refusée par la Confédération helvétique. Mais le contexte a changé. Avec le scandale du Liechtenstein et la crise financière, la pression autour des paradis fiscaux s'est accrue. Et à la veille du G20, le 13 mars dernier, la Suisse s'est ainsi engagée à appliquer les standards de l'OCDE

Que recouvrent exactement ces engagements ?
L'article 26 du modèle de convention fiscale de l'OCDE prévoit l' "obligation d'échanger des renseignements qui sont vraisemblablement pertinents pour l'application correcte d'une convention fiscale". C'est ce qu'on appelle le système de l'information à la demande, qui s'oppose à un autre système, où l'échange d'information serait automatique. En clair, dès lors que deux pays signent une convention, ils sont obligés de fournir l'information bancaire à chaque fois que l'autre partie le lui demande. Mais seulement dans ce cas là.

L'OCDE a classifié ses Etats-membres en 3 listes, une blanche pour ceux qui respectent l'article 26, une grise pour ceux qui souhaitent respecter l'article 26 et une noire pour ceux qui refusent le moindre engagement sur ces questions fiscales. Pour l'heure la Suisse doit, si elle veut sortir de la liste grise, signer douze conventions bilatérale respectant l'article 26, et ce avec n'importe quel pays membre de l'organisation. Ce qu'elle s'empresse de faire depuis quelques semaines : jusqu'à aujourd'hui, elle est parvenue à un accord avec neuf d'entre eux, dont la France et les Etats-Unis.

Quel est le contenu de ces conventions ?
Impossible de le savoir. Car tant que les conventions n'ont pas été signées mais seulement paraphées, comme c'est le cas aujourd'hui, leur contenu n'a pas vocation a être dévoilé au public. Or, les avis divergent sur le contenu de ces conventions, quand bien même chacun affirme les avoir eues entre les mains... Ainsi, les banquiers suisses affirment que l'administration fiscale suisse sera tenue de fournir les informations uniquement "dans le cas où sera apportée la preuve d'un soupçon de fraude fiscale, l'identité de la personne ainsi que le nom de la banque". C'est en tous cas ce qu'a affirmé à L'Expansion.com Pierre Mirabaud, actuel président de l'Association suisse des banquiers. Le problème, c'est que, dans le même temps, Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE, fait une interprétation contraire de ces conventions... "La seule condition est que la demande ne soit pas aléatoire. Il faudra seulement fournir l'identité d'une personne soupçonnés de fraude, et c'est tout", maintient-il. Ce qui changerait tout. Si un simple nom suffit vraiment, alors les jours du secret bancaire sont bel et bien comptés. Sinon, il aura droit à un répit inespéré.

Finalement, la fin du secret bancaire est-elle si proche ?

C'est très difficile à dire. L'administration suisse continue de croire à la survie du secret bancaire. La Confédération helvétique ne veut pas effrayer les clilents étrangers de ses banques, et espère conserver son attractivité fiscale. C'est probablement pour cela que récemment le président fédéral suisse déclarait au Frankfurter Allgemeine Zeitung: "Rien n'a changé par rapport au passé, rien ne sera assoupli. Il y a juste une collaboration internationale plus étroite".

De leur côté, le gouvernement français, ainsi que l'OCDE, ont déjà annoncé la disparition du secret bancaire suisse. En criant victoire haut et fort, Paris espère faire revenir ses évadés fiscaux. En réalité, chacun joue son va-tout et on est là dans la politique et la communciation, bien plus que dans le juridique.

Une récente affaire pourrait pourtant laisser pense que la Suisse a effectivement entamé le deuil de son précieux secret : le 24 juin dernier, la deuxième banque suisse, Crédit Suisse, a envoyé une missive à ses clients français leur annonçant qu'elle pourrait être amenée à transmettre leur identité aux autorités hexagonales. Pour sa défense, la banque a annoncé que cette lettre n'avait aucun rapport avec les conventions qui se négocient actuellement. Elle aurait simplement eu pour but de se mettre en règle avec le règlement boursier et l'AMF, a déclaré la banque, qui a assuré qu'elle ne fournirait que des informations boursières sur ses clients.

Comment la Suisse va ratifier les conventions fiscales

Pour être applicables, ces traités de double imposition doivent être soumis à l'ensemble des parties intéressées de la Confédération, au premier desquelles figure le secteur financier. En fonction de leurs remarques, recommandations et autres, le gouvernement suisse présentera les accords bilatéraux au Parlement. Ce qui ne devrait pas se faire avant fin août. Ce dernier décidera ensuite de soumettre ou non les textes à un référendum populaire. Restera donc à savoir où en en est la population suisse sur la question du secret bancaire.

Le gouvernement a d'ores et déjà annoncé que seule la première convention paraphée serait soumise à un référendum populaire, laissant planer l'incertitude sur ce qu'il ferait en cas de réponse négative de ses concitoyens. Si les conventions sont malgré cela ratifiées et finissent par entrer en vigueur, c'est le juge suisse qui aura la fin mot de l'histoire en autorisant ou non la levée du secret bancaire. Autre problème, la convention de l'OCDE ne prévoit pas de sanctions à l'égard des Etats. Seule possibilité pour un Etat qui s'estimerait floué, dénoncer la convention fiscale en vigueur.

jeudi 2 juillet 2009

UBS refuse de livrer 52 000 noms

UBS refuse de livrer 52 000 noms, Le Figaro, 2 juillet 2009

La première banque suisse UBS continue de s'opposer " vigoureusement " à la divulgation des noms de 52 000 titulaires américains de comptes, soupçonnés de fraude fiscale.

Le ministère américain de la Justice n'a donné aucune indication qu'un compromis soit en cours de négociation avec UBS. Au contraire, le ministère juge totalement fondée la requête du fisc américain, rejetant les arguments de la banque suisse.

Le calendrier judiciaire est donc maintenu. Il reviendra à la Cour fédérale de Floride, qui se réunit à partir du 13 juillet, de dire si l'Internal Revenue Service (IRS) est en droit d'exiger d'UBS l'identité de 52 000 détenteurs de comptes.

Si la justice donne raison au fisc américain, UBS devra s'incliner ou prendre le risque de perdre sa licence bancaire aux États-Unis.

C'est cette menace, potentiellement dramatique pour la première banque suisse, qui a poussé les autorités helvétiques à lever le secret bancaire, le 18 février 2009, en livrant l'identité de 250 détenteurs de comptes chez UBS.

La banque s'était également acquittée d'une amende de 780 millions de dollars.

Une lettre de Credit Suisse jette le trouble

Une lettre de Credit Suisse jette le trouble, Le Figaro, 2 juillet 2009

La banque suisse demande à ses clients l'autorisation de communiquer leur identité aux autorités françaises.

Credit suisse a beau s'en défendre, le moment choisi jette le trouble. C'est en effet en plein débat sur la levée du secret bancaire, alors même que le scandale d'UBS rebondit aux États-Unis, et que la France et la Suisse viennent de signer une convention bilatérale autorisant l'échange d'information fiscale, que Credit Suisse a décidé d'écrire à ses clients pour les mettre en garde.

Dans un courrier en date du 24 juin, il est demandé à tous les détenteurs de titres et d'instruments français, quel que soit leur nationalité, de signer un formulaire dans lequel ils autorisent la banque à communiquer des informations sur leur identité et le montant des transactions aux autorités françaises, qu'elles soient «gouvernementales» ou en charge de la « régulation » boursière.


Une législation datant de 2001

«Le client déclare être conscient que les lois et les réglementations françaises peuvent prévoir la divulgation de l'identité», précise ce document. C'est donc derrière une législation française datant de 2001 que s'abrite Credit Suisse pour exiger la transparence de ses clients.

La loi en question permet aux autorités boursières françaises de poser des questions aux banques sur les détenteurs de titres en cas de soupçons d'irrégularités, en cas de délit d'initié, par exemple, ou lorsque les achats de titres dépassent un certain seuil.

«Nous voulons simplement nous mettre en conformité avec les législations en vigueur dans les pays où nous sommes présents, explique le porte-parole de la banque, Jean-Paul Darbellay. Nous l'avons déjà fait avec d'autres pays, notamment la Norvège, Taïwan et la Corée du Sud. Il ne s'agit en aucun cas de communiquer au fisc français et cela n'a rien à voir avec la convention de double imposition», précise-t-il pour couper court aux craintes d'une levée anticipée et automatique du secret bancaire.

Reste qu'avec cette lettre la banque ouvre large le parapluie, ce qui peut inquiéter les clients de comptes non déclarés. Non seulement, les informations exigées sont très détaillées - numéro de comptes, identité des détenteurs, détail des opérations - mais elles ne seront pas réservées aux seules autorités boursières, en l'occurrence l'Autorité des marchés financiers (AMF). En cas de demande d'informations de la par de la France, prévient la banque, «le client supporte toutes les conséquences (…) et assume l'entière responsabilité en cas de prétentions, d'impôts supplémentaires, d'intérêts ou de toutes autres taxes prélevées par les autorités françaises».

Si les clients de Credit Suisse refusent de signer ce document à caractère contraignant avant le 1er septembre, ils pourront céder leurs actions françaises et acheter des sicav; ou transférer leurs titres dans une autre banque . Une façon pour le Credit de se prémunir contre les déboires judiciaires d'UBS.

Fraude fiscale : les avocats vont devoir dénoncer leurs clients

Fraude fiscale : les avocats vont devoir dénoncer leurs clients, Le Figaro, 2 juillet 2009

Une nouvelle directive européenne antiblanchiment entre en vigueur en France. La profession fait de la résistance.

Au coeur de Montreuil, dans ses locaux ultramodernes classés secrets défense, les équipes de Tracfin, la cellule de Bercy chargée de lutter contre l'argent sale, préparent la nouvelle révolution de l'année 2009 : la mise en œuvre de la troisième directive européenne antiblanchiment, à laquelle s'opposent les avocats.

Imposée par Bruxelles, la directive vient en effet - avec retard - d'être traduite en droit français. Les décrets d'application sont en cours de rédaction. Banques, assurances mais également notaires et avocats devraient donc bientôt lui transmettre un nombre croissant de dossiers.

Si les banques se sont organisées depuis plusieurs années pour répondre à la demande de Tracfin, les avocats résistent encore. En 2007, une seule déclaration de soupçon rédigée par un avocat est parvenue à Bercy sur les quelque 12 500 déclarations reçues cette année-là.

En 2008, les membres de la cellule n'en ont pas compté plus de trois, selon le rapport qui va être publié cette semaine… C'est peu, au regard des quelque 44 000 avocats que compte la profession. Les 8 000 notaires français ont, eux, transmis l'année dernière près de 350 déclarations.

En 2009 pourtant, la moisson devrait être meilleure. Car la troisième version du texte resserre l'étau autour des professionnels. Notamment parce que, désormais, la notion de blanchiment inclut la fraude fiscale. Et que, autre changement significatif, les agents de Tracfin pourront transmettre directement des dossiers au fisc. Pour faire face à cette nouvelle montée en puissance, le directeur de Tracfin est d'ailleurs en train de recruter des effectifs supplémentaires.

Sans avertir le client

À force de protestations, les représentants des avocats ont obtenu de préserver leur secret professionnel, en tout cas pour le cœur de leur activité. Toutefois en dehors de la pratique juridictionnelle (défense des clients devant la justice) ou du conseil, un avocat ne peut plus arguer de son secret professionnel pour se taire.

S'il soupçonne l'existence de fonds illégaux ou ayant échappé à l'impôt, par exemple lors de la création d'une société, il doit en principe rédiger une déclaration de soupçon, qu'il adresse à son bâtonnier. Et cela sans même en avertir son client, prévoit le nouveau texte. À charge ensuite pour le bâtonnier de transmettre les déclarations qu'il estime fondées à la cellule de Bercy.

Sans ce filtre, les déclarations de soupçons seraient peut-être plus nombreuses. «Lorsque la précédente directive s'appliquait, j'ai reçu plusieurs dossiers qui n'avaient pas à être transmis à Tracfin, car les clients visés étaient en cours de procédure judiciaire», témoigne un ancien bâtonnier.

Les instances dirigeantes de la profession restent partagées quand à l'attitude à adopter. À la tête du barreau de Paris, qui regroupe près de la moitié des avocats français, Christian Charrière Bournazel prône la «désobéissance civile». «Nous sommes légalistes, nous appliquerons le droit positif» , explique au contraire Pascal Eydoux, président de la Conférence des bâtonniers, qui représente l'ensemble des barreaux de province.

Le Conseil national des barreaux (CNB), lui, doit encore rédiger un règlement qui devra s'appliquer à l'ensemble de la profession. Il attend pour cela l'ensemble des décrets d'application. L'un des plus sensibles, un décret tentant de définir la fraude fiscale est actuellement à l'étude.

Le nouveau texte étend significativement le champ des investigations que les avocats devront mener sur leur client. Il introduit également le concept de «personnalités exposées politiquement» (ministre, parlementaire, amis ou famille d'un élu…), qui devront faire l'objet d'une vigilance accrue. «Mais qui va rédiger la liste de ces personnalités ?» s'inquiète Thierry Wickers, président du CNB.

Une définition plus restrictive

Dans un décret actuellement examiné par le Conseil d'État, le gouvernement tente de définir la " fraude fiscale " qui pourra être concernée par les nouveaux textes antiblanchiment. En effet la directive européenne qui impose de nouvelles obligations aux professionnels vise tous les délits punissables de plus d'un an de prison, soit un champ extrêmement large.

En principe, la fraude fiscale est avérée dès qu'une somme de plus de 153 euros a été soustraite aux impôts. Le coupable encourt jusqu'à 5 ans de prison. Une définition aussi large risquerait toutefois d'être contre-productive. Le décret se propose donc d'ajouter une liste de 16 critères supplémentaires permettant d'identifier la fraude fiscale qui relèverait d'une déclaration de soupçon.

Par exemple " le dépôt par un particulier de fonds importants au regard de son activité connue " ou " la réalisation d'une transaction immobilière à un prix manifestement sous évalué " ou encore " le recours à l'interposition de personnes physiques n'intervenant qu'en apparence pour le compte de sociétés ou de particuliers impliqués dans les opération financières "…

L. C.