vendredi 18 juin 2010

Les mafias menacent l'ordre mondial selon l'ONU

Le Monde, 18 juin 2010

Le crime organisé est devenu une force à l'échelle mondiale, a déclaré à l'ONU, à New York, Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) basé à Vienne.

"La criminalité est devenue mondiale, a atteint une dimension macro-économique et pose une sérieuse menace pour la paix et même pour la souveraineté des nations", a-t-il déclaré lors de la présentation à une réunion plénière de l'Assemblée générale de l'ONU un nouveau rapport de l'ONUDC intitulé "La mondialisation de la criminalité: évaluation de la menace posée par le crime organisé international".

Il a regretté que dix ans après son adoption à Palerme, la Convention de l'ONU contre le crime organisé transnational, seul instrument international contre le crime, ne soit pas assez suivie d'effet et que tous les pays n'y adhèrent pas.

Ce rapport estime qu'environ 140 000 personnes sont victimes de trafic d'êtres humains alimentant l'industrie du sexe en Europe, qui représente un revenu annuel de 3 milliards de dollars pour ses exploitants.

Le rapport indique aussi que les deux principaux flux de migrants clandestins vont d'Afrique en Europe et d'Amérique latine aux Etats-Unis. De 2,5 à 3 millions de migrants passent clandestinement d'Amérique latine aux Etats-Unis chaque année, rapportant 6,6 milliards de dollars aux passeurs.

L'Europe est le plus gros marché régional en valeur pour l'héroïne (20 milliards de dollars) et la Russie en est le premier pays consommateur au monde (70 tonnes).

"Les stupéfiants tuent entre 30 000 et 40 000 jeunes Russes par an, soit le double du nombre de soldats de l'Armée rouge tués pendant l'invasion de l'Afghanistan dans les années 1980", indique le rapporteur.

Pour lui, "l'attention et les critiques se concentrent sur les principaux pays producteurs de drogues illicites, tels que l'Afghanistan (opium) et la Colombie (coca), mais c'est dans les pays (riches) de destination qu'est réalisée la plus grande partie des profits du commerce de la drogue.

Par exemple, le marché mondial de l'héroïne afghane est estimé à environ 55 milliards de dollars, mais seulement 2,3 milliards de dollars, soit environ 5 %, reviennent aux agriculteurs, aux négociants et aux insurgés afghans."

Le rapport constate aussi que près de la moitié des médicaments testés en Afrique et en Asie du Sud-Est sont contrefaits et inadéquats, accroissant les risques de maladie au lieu de les réduire.

"L'action répressive contre les groupes mafieux ne permettra pas de mettre un terme aux activités illicites si les marchés sur lesquels ils s'appuient restent intacts, notamment les hordes de délinquants à col blanc — avocats, comptables, agents immobiliers et banquiers — qui les protègent et blanchissent leurs gains. L'expansion des marchés noirs est due autant à la cupidité des cols blancs qu'à celle des groupes criminels organisés."

Pour l'ONU, la menace n'est pas seulement économique. "Les profits tirés du crime et la menace d'utiliser la force, permettent aux criminels d'influencer des élections, des politiciens et même des militaires", ajoute-t-il.

Selon lui, les pays les plus faibles sont les plus exposés au risque mais la menace est globale. "Les flux illégaux pointent presque tous vers le Nord" car "les plus grandes économies sont les plus gros marchés pour les biens illégaux".

jeudi 3 juin 2010

Paradis fiscaux : l'Ile-de-France lance la lutte

Le Figaro, 3 juin 2010

La région va demander aux établissements financiers avec qui elle souhaite collaborer de lui fournir un ensemble d'éléments lui permettant de vérifier qu'ils ne soient pas liés aux paradis fiscaux listés par l'Etat. Une première mondiale.

C'est une initiative inédite dans le monde. Pour la première fois, une collectivité territoriale, l'Ile-de-France, va exiger une pleine transparence des banques et autres établissements financiers avec qui elle souhaite collaborer, et ceci dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux.

Plus concrètement, le conseil régional demandera chaque année à ses partenaires financiers un bilan de leurs activités et leurs liens avec les 18 Etats non-coopératifs listés par le gouvernement.

Jusqu'ici, seule la ville d'Helsinki avait réfléchi à une telle initiative sans jamais la concrétiser. Cette promesse électorale, lancée par Europe Ecologie puis reprise par le président de la région Jean-Paul Huchon, a été validée mercredi, et sera soumise au vote lors de la prochaine session plénière du 17 juin.

La délibération prévoit qu'avant de s'engager avec des établissements financiers pour contracter un emprunt ou pour arranger une émission obligataire, le conseil régional leur demandera de préciser leurs liens avec les Etats qui refusent de signer des conventions de transparence et d'échange d'informations.

La première vice-présidente du conseil régional Marie-Pierre de la Gontrie (PS) souligne que «si certaines banques font le choix de continuer leurs activités dans ces pays, ces éléments seront pris en compte dans notre décision».

Une loi oblige déjà les banques françaises à rendre publique leurs activités dans ces 18 pays. La véritable innovation se situe dans le reporting d'activité demandé en amont par la région aux établissements. Celle-ci exige qu'il couvre tous les pays où la banque travaille et non pas seulement les 18 de la liste noire de Bercy.

Chiffre d'affaires, effectifs, impôts, taxes versées: toutes ces informations devront figurer dans le document. Le Conseil régional demande enfin de «préciser les procédures et outils dont ils sont dotés pour lutter contre le blanchiment, la corruption et la fraude fiscale».

La région emprunte chaque année sur les marchés près de 700 millions d'euros.

L'idée pourrait essaimer

Le conseil régional «se réservera le droit de modifier et d'étendre ce dispositif, chaque année, au vu d'un rapport rendant compte de son application», expliquent Cécile Duflot, présidente du groupe Europe Ecologie et Robert Lion, nouveau conseiller régional Verts-EE et ancien directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations.

«Ces éléments constitueront un critère d'appréciation pour la décision de continuer, ou de commencer, d'avoir recours aux services de ces banques», soulignent-ils.

Au cours de la campagne des régionales, Cécile Duflot avait notamment reproché à BNP Paribas, «principal établissement prêteur du conseil régional», de «travailler dans de nombreux paradis fiscaux comme les îles Caïmans, Jersey et Guernesey ou Hong-Kong».

Aujourd'hui, la présidente d'Europe Ecologie prévient, dans une interview à la Tribune, qu'une loi est en préparation pour prendre des mesures contraignantes contre les établissements: pour l'instant, «la loi ne nous y autorise pas. Nos députés portent le projet de rendre possible l'exclusion des établissements qui ne rempliraient pas les critères demandés. Nous soutenons leurs efforts pour faire changer la loi».

Cécile Duflot envisage également d'étendre le dispositif «à tous les partenaires de la région, donc notamment aux entreprises. Mais nous attendrons de réaliser une première évaluation du dispositif avant d'envisager son extension», précise-t-elle.

Ce dispositif novateur pourrait faire des petits : d'autres régions se disent intéressées comme la Champagne-Ardenne, la Provence-Alpes-Côte d'Azur ou les Midi-Pyréenées.

mercredi 2 juin 2010

La Région Ile-de-France à l'assaut des paradis fiscaux

L'Express, 3 juin 2010

Sous l'impulsion des élus Europe Ecologie, le conseil régional d'Ile-de-France devrait adopter à la mi-juin un projet de délibération visant à cesser toute collaboration avec des banques possédant des filiales dans les paradis fiscaux. Une première en Europe.

C'était un engagement d'Europe Ecologie pendant la campagne régionale, c'est en passe de devenir l'une des décisions fortes de la nouvelle mandature Huchon.

Dans l'entre-deux tours des régionales, responsables écologistes et socialistes s'étaient enfermés de longues heures dans un hôtel parisien pour aboutir à une liste commune de la gauche. Objectif atteint le mardi suivant le premier tour grâce à quelques concessions socialistes.

"Lorsque nous leur avons annoncé que nous voulions que la Région cesse de travailler avec des banques concernées par des paradis fiscaux, les socialistes sont restés perplexes. Il y a eu des allers-retours, des coups de fil à Jean-Paul Huchon. Mais ils ont finalement accepté, et la mesure s'est retrouvée dans le programme conjoint pour le second tour", raconte aujourd'hui Robert Lion, conseiller régional Europe Ecologie.

A partir de ce moment, le PS ne pouvait pas faire autrement. Dès la première séance de la nouvelle assemblée, l'alliance écologiste est revenue à la charge. Les socialistes n'étaient pas prêts. Les deux principales forces de la majorité se sont donc entendues: retrait du texte contre la garantie d'un vote à la mi-juin.

Des contrôles pour les banques françaises et étrangères

Robert Lion ajoute même un détail amusant: "L'UMP et le Nouveau Centre étaient prêts à nous suivre lors de la première séance. Nous aurions donc pu recueillir une majorité sans le PS, mais nous n'avons pas voulu commettre un crime de lèse-majorité."

Mi-juin, nous y voilà. Les socialistes ont tenu leur promesse, et Marie-Pierre de la Gontrie, Première vice-présidente en charge des finances, a contribué à l'élaboration finale du texte.

Ce jeudi, Europe Ecologie en révèle le détail dans un communiqué cosigné par Cécile Duflot et Robert Lion. Dans un premier temps, la Région exigera des banques un document reprenant toutes leurs activités éventuelles dans les 18 pays figurant sur une liste publiée par le gouvernement. "Les banques ne pourront pas mentir parce que nous ferons des recoupements", prévient Robert Lion.

Pour les établissements qui seront amenés à collaborer avec la Région, un second contrôle sera mis en place. Ils devront fournir un rapport pays par pays, reprenant leurs activités dans tous les pays où ils interviennent directement ou par le biais de leurs filiales.

Une décision qui pourrat faire tâche d'huile

Si l'assemblée accepte ce dispositif -hypothèse plus que probable-, les banques (qu'elles soient françaises ou étrangères basées en France) devront donc montrer patte blanche. La mesure prendra effet au plus tard en janvier 2011.

Les établissements bancaires semblent, eux, prêts à jouer le jeu. "J'ai rencontré les dirigeants de deux des trois plus grandes banques françaises. Ils m'ont assuré qu'ils accéléreraient le nettoyage entrepris dans leurs activités", explique Robert Lion.

Les écologistes espèrent que cette décision en précipitera d'autres. Partout en France, les élus régionaux Europe Ecologie pousseront pour que leur majorité s'engouffre dans la brèche. Mais avant toute décision, les présidents socialistes regarderont attentivement vers le laboratoire francilien.