mardi 22 décembre 2009

Fichiers HSBC : Eric Woerth veut la poursuite des procédures judiciaires

Le Monde, 22 décembre 2009

Le ministre du budget français, Eric Woerth, a affirmé, mardi 22 décembre 2009, à Pékin que les procédures pour fraude fiscale ou blanchiment visant des Français figurant sur les fichiers bancaires dérobés par un ancien salarié de HSBC vont "continuer" après la décision de les remettre à la Suisse.

"Oui, bien sûr, [les listes] seront transmises par la justice à la justice suisse, ce qui est bien naturel et bien normal", a déclaré à la presse M. Woerth, qui accompagne le premier ministre François Fillon à Pékin. Mais, a-t-il ajouté, "la procédure judiciaire française va continuer et la procédure fiscale aussi évidemment", ce que la Suisse dénonce.

La Suisse a ouvert, le 29 mai 2008, une enquête contre l'ex-salarié de la banque HSBC de Genève Hervé Falciani, qu'elle soupçonne d'avoir subtilisé des données entre 2006 et 2007.

"Evidemment elles sont utilisables, l'Etat français s'occupe des contribuables français, ça semble assez naturel", a commenté le ministre. "Qui, d'ailleurs, pourrait penser le contraire ? Les contribuables qui, à un moment donné, ont fraudé le fisc français, ce sont des contribuables français. Ils intéressent évidemment les autorités françaises", a-t-il poursuivi.

LA SUISSE VEUT FAIRE PRESSION SUR PARIS

"Il faut faire la part des choses entre les péripéties et la réalité. La réalité, c'est qu'on en train de lutter contre les paradis fiscaux, le secret bancaire, la capacité à aller cacher ici ou là telle ou telle somme au vu ou à la barbe des fiscs nationaux", a jugé le ministre du budget, ajoutant : "Les Américains l'ont bien fait, les Allemands l'ont fait, les Italiens le font. Les Français le font avec la même fermeté."

Les autorités helvétiques accusent M. Falciani de violation du secret bancaire et assurent qu'il a tenté de monnayer ces listes et les codes permettant de les déchiffrer auprès de plusieurs Etats, voire de banques libanaises, ce qu'il réfute.

Pour faire pression sur Paris, la Suisse a suspendu le processus de ratification de la nouvelle convention fiscale avec la France, qui prévoit notamment l'échange d'informations fiscales entre les deux pays.

Sur ce point, a-t-il dit, "il faut un peu de temps". "Je n'imagine pas un instant que les autorités suisses puissent longtemps suspendre leur ratification parce qu'ils ont pris cet engagement comme tous les autres pays ont pris cet engagement", a indiqué mardi M. Woerth.

Berne avait encore accru la pression sur Paris la semaine dernière en exigeant la restitution, avant le 25 décembre 2009, des données qui ont permis au fisc français d'alimenter une liste de quelque 3 000 fraudeurs présumés.

vendredi 18 décembre 2009

Le Sénat renonce à assimiler la Suisse à un paradis fiscal

Le Monde | 18 décembre 2009

Le Sénat a renoncé, vendredi 17 décembre, à pointer du doigt la Suisse en retirant, à la demande expresse du ministre du budget Eric Woerth, un amendement qui revenait à inscrire la Confédération helvétique sur la liste noire des paradis fiscaux.

L'amendement, discuté dans le cadre du collectif budgétaire 2009, prévoyait que les Etats qui n'ont pas ratifié leur "convention d'assistance administrative" passée avec la France soient considérés comme "non coopératifs" dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il ne citait pas expressément la Suisse mais il visait bien Berne, qui a annoncé mercredi qu'il allait suspendre le processus de ratification parlementaire de l'accord fiscal France-Suisse, pour protester contre l'utilisation par les autorités françaises de données volées à la banque HSBC à Genève.

D'ailleurs, la veille, le président centriste de la commission des finances Jean Arthuis et le rapporteur général du budget Philippe Marini (UMP) avaient nommément désigné la Suisse en présentant leur amendement à la presse.

"Cet amendement part d'une bonne intention" mais "dans le cadre de nos relations internationales, je ne veux pas rajouter de l'huile sur le feu", a lancé M. Woerth en direction des sénateurs. "Il ne faut pas adopter cet amendement tel quel. Je vous le demande ! Je vous le demande !", les a-t-il exhortés.

Réfugié depuis un an en France, Hervé Falciani provoque une crise diplomatique

Le Monde | 18 décembre 2009

Tout commence il y a 3 ans. Voici la chronologie de l'affaire.

2006 : L'informaticien Hervé Falciani , est embauché définitivement chez HSBC, à Genève. Il y fait la connaissance de Georgina Mikhael, qui devient sa maîtresse.

4 février 2008 : Le couple tente de monnayer à des banques libanaises les bases de données que l'informaticien s'est procurées chez HSBC. Il contacte également des services de renseignement.

23 décembre : Les autorités judiciaires suisses estiment que M. Falciani s'est procuré ces bases de données en piratant les fax de la banque HSBC. L'informaticien se réfugie en France.

9 janvier 2009 : La Suisse transmet au procureur de Nice, Eric de Montgolfier, une demande d'entraide judiciaire valant mandat d'arrêt.

20 janvier 2009 : Le domicile de Hervé Falciani est perquitionné , ses ordinateurs sont saisis et il est placé en garde à vue. Il nie avoir piraté les fax chez son employeur.

9 mars : L'expertise révèle la présence de nombreux fichiers contenant les données nominatives bancaires de plusieurs milliers de contribuables. Un premier listing est transmis à cette époque au fisc français par Hervé Falciani.

26 juin : Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Nice pour "blanchiment".

9 juillet : Le procureur de Nice, Eric de Montgolfier, communique à Bercy les résultats de l'expertise, et les données nominatives bancaires. 2 953 contribuables français sont concernés.

Août : Le ministre du budget, Eric Woerth, enjoint les contribuables fautifs de régulariser leur situation. A défaut, une procédure sera engagée à leur encontre, à compter du 31 décembre 2009.

9 décembre : Le quotidien Le Parisien révèle l'origine de ce listing. "Nous avons obtenu ces informations de manière spontanée", affirme Eric Woerth. "On a plusieurs sources d'information, nous ne prenons pas les informations anonymes et ces informations ne sont pas rémunérées", souligne-t-il.

11 décembre : Eric de Montgolfier affirme que "les motivations d'Hervé Falciani sont de type messiannique". "Il redoute que les procédés utilisés par sa banque aient pu contribuer à la crise financière. Il considère qu'il a un rôle à jouer", indique t-il. Le surlendemain, le procureur de Nice parle de 130 000 comptes bancaires présents sur les listings. HSBC en mentionne une dizaine.

13 décembre : Hervé Falciani s'exprime sur France 2 : "Si vous découvrez que toutes les strates des structures, trusts, offshore, permettent de contourner les mises en place de prélèvement de taxes, de TVA, que la seule légitimité de ces structures, c'est ça : ou vous faites l'autruche, ou vous essayez de comprendre", explique-t-il. Il dit avoir tenté d'alerter sa direction, en vain. A-t-il dérobé les données ? "Je n'ai accédé qu'à des informations, à des systèmes sur lesquels on avait libre accès."

14 décembre : Eric de Montgolfier explique au Monde sa vision de l'affaire . "J'ai estimé, dit-il, compte tenu des éléments que M. Falciani a fournis que nous pouvions engager une enquête préliminaire. Une chose est sûre : je n'ai rien payé, rien offert et il ne m'a rien demandé". D'après le procureur, " On parle hâtivement de fichiers volés. Du côté de la justice française, je n'ai quoique ce soit à lui reprocher."

16 décembre 2009 : La Suisse annonce qu'elle va suspendre le processus de ratification de l'accord de double imposition signé en août par Paris et Berne.

Jeudi 17 décembre : La justice suisse fixe un ultimatum à la France. Les élements de la procédure judiciaire qu'elle a adressé aux autorités françaises doivent lui être retournés à Berne au plus tard le 25 décembre. La crise judiciaire menace.

Gérard Davet (avec Paul Barelli à Nice)

L'informaticien, sa maîtresse et le listing explosif de Bercy

Le Monde | 18 décembre 2009

A cause de lui, 2 953 contribuables français ont bien du mal à trouver le sommeil. Hervé Falciani, cet informaticien de 37 ans qui a livré à Bercy un listing bancaire contenant 130 000 noms issus des bases de données de la banque HSBC de Genève, aime à se présenter en réparateur de torts de la grande finance. La réalité pourrait être moins glorieuse. Du moins si l'on en croit la procédure judiciaire franco-suisse, à laquelle Le Monde a eu en partie accès. Où l'on découvre l'étonnant destin d'un banal fichier informatisé...

Depuis quinze jours, cet informaticien franco-italien est au coeur d'un imbroglio judiciaire et financier qui tourne à la crise diplomatique entre la France et la Suisse. Depuis la révélation, par la presse, que le ministre du budget, Eric Woerth, s'est servi des informations couvertes par le secret bancaire qu'a transmises aux autorités françaises Hervé Falciani, la Suisse réclame la restitution de ces données, qu'elle estime volées. Le 16 décembre, la Confédération helvétique annonçait son intention de suspendre le processus de ratification d'un nouvel accord de coopération fiscale, signé en août.

Hervé Falciani rejoint la succursale suisse de la banque anglaise HSBC en 2001, après avoir travaillé à Monaco, dans le domaine de la sécurité, à la Société des Bains de Mer. Informaticien, marié, il fait la connaissance en 2006 de Georgina Mikhael, une franco-libanaise. "On avait des centres d'intérêts communs, se souvient-il devant les gendarmes français qui l'ont placé en garde à vue, le 20 janvier 2009. Dans le même temps, il y a eu des sentiments et une relation privée. On s'est connus fin 2006, on travaillait dans deux bureaux voisins."

A l'époque, Hervé Falciani s'est déjà spécialisé dans le "data mining", l'extraction de connaissances utiles à partir de grosses bases de données. Dès 2007, le couple décide d'aller démarcher d'éventuels clients au Liban, en leur vendant des bases de données. Le but, c'est de faire fortune. Pour Georgina Mikhael, les choses sont d'ailleurs claires : il fallait, dira-t-elle aux enquêteurs, obtenir de l'argent pour financer le divorce d'Hervé Falciani avec sa femme. "C'est un fantasme pour elle", rétorque aujourd'hui l'intéressé.

Reste que le couple prend une semaine de vacances et s'envole pour Beyrouth. A son arrivée, il contacte, pour commencer, la succursale de la banque suisse Audi, le 4 février 2008. Se présente alors devant une responsable de la banque la pimpante Georgina Mikhael, escortée d'un certain Ruben Al-Chidiack. Ce dernier n'est autre qu'Hervé Falciani : "C'est un prénom et un nom que m'a donnés Georgina, raconte-t-il. J'avais une carte de visite à ce nom."

Les deux amants disent travailler pour la société Palorva. "C'est de la fumée, juste un nom, aucune société n'a été créée, explique Hervé Falciani. Quand on a décidé de rencontrer des personnes, Georgina a décidé de créer un site Internet, des cartes de visite, et trouvé le nom de la société. Tout a été créé lors des préparatifs du voyage..."

Que tentent-ils de monnayer ? Selon la justice suisse, il s'agit de négocier la vente d'une base de données de clients de différentes banques suisses, obtenue par le biais d'un piratage de fax visant des ordres relatifs à des instructions de souscriptions de fonds. Apparaissent sur ces fichiers les données principales des souscripteurs. Les Suisses en sont persuadés : l'informaticien a proprement dérobé ces listings. Falciani, lors de sa garde à vue, le 20 janvier 2009, nie tout piratage : "Je n'ai jamais piraté quoique ce soit." Il assure que les données dont il dispose proviennent de failles qu'il a observées dans la sécurité informatique d'HSBC, et qu'il avait par ailleurs dénoncées à ses supérieurs.

En tout cas, les banquiers libanais semblent intéressés. Quatre banques sont ainsi appâtées. "Elles ont toutes manifesté de l'intérêt, se rappelle l'informaticien. Certaines personnes ont demandé : "Si je suis intéressé par l'achat du profil d'un client, combien ça va me coûter ?" Il s'agissait de données qui permettaient d'identifier une personne, d'estimer sa fortune, de définir son profil d'investisseurs..."

Interrogé le 6 octobre 2008 par la police suisse, l'un des interlocuteurs libanais confirme que Ruben Al-Chidiack - alias Hervé Falciani -, disant représenter la société Palorva domiciliée à Hong-Kong, lui a bien présenté, ce 4 février 2008, sur un ordinateur portable, un document comportant des listings de numéros de comptes, de numéros de fax, d'adresses et de positions. Le témoin l'assure aux enquêteurs, Falciani souhaitait vendre cette base de données qui, lui aurait-il affirmé, a été constituée par l'interception de fax et d'e-mails.

A l'issue de ce périple libanais, aucune transaction financière n'est pourtant réalisée. "Personne n'a rien gagné dans cette affaire", assure aujourd'hui Hervé Falciani.

Mais en cet hiver 2008, le couple n'est pas en mal d'imagination. Si les banques ne veulent pas de leur outil, pourquoi ne pas tenter de le vendre à des services de renseignement ? C'est à cette époque que la DGSE entend parler de l'informaticien. "Georgina a cherché des axes de financement du projet, relate-t-il. Il y avait des banques, mais également des agences..."

C'est ainsi que le BND, les services secrets allemands, reçoit le 8 mars 2008 un étrange courriel : "J'ai la liste complète des clients de l'une des cinq plus grandes banques privées, cette banque est basée en Suisse, j'ai aussi l'autorisation d'accès au sytème d'information." Il émane d'une adresse mail créée par le couple pour l'occasion : "toomuchwalls@yahoo.fr".

"Mon objectif, détaille Hervé Falciani, était de savoir si je pouvais aider d'une quelconque façon ces services à lutter contre la "tax evasion" (l'évasion fiscale). Par ces mails, le but était d'établir un dialogue. C'est un mail d'accroche, mais qui ne reflète pas la réalité. (...) Le contenu est faux. (...) Je ne sais pas si j'avais cette liste que je marque..." Hors procès-verbal, mais inscrit dans la procédure, il confie avoir eu un contact avec Jean-Patrick Martini, un fonctionnaire français, membre de la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF).

Le couple ne le sait pas encore, mais il est sous le coup d'une dénonciation de l'Association suisse des banquiers, datée du 20 mars 2008, qui l'empêche de mener à bien ses projets. Trois numéros de téléphone enregistrés au nom de Georgina Mikhael sont surveillés. Le 22 décembre 2008, des perquisitions sont opérées chez HSBC, le couple est interrogé. Convoqué pour le lendemain, Hervé Falciani ne donne plus signe de vie. Il s'est enfui en France, en louant une voiture, qu'il abandonne à l'aéroport de Nice.

Il s'est d'abord réfugié dans un hôtel de Menton, avant de s'installer dans la maison de campagne de ses parents, à Castellar (Alpes-Maritimes). "Je suis rentré en France pour que ma femme et ma fille aient un soutien familial, vu la tournure des événements en Suisse", raconte celui qui, désormais, est un fugitif. Le 24 décembre 2008, il passe un coup de fil aux autorités suisses pour les informer de sa désaffection, dit vouloir revenir le 29 décembre, puis se ravise, sur les conseils d'un avocat...

L'inquiétude prévaut, à Berne. On devine, en Suisse, que l'homme s'est volatilisé avec ses bases de données. Très vite, le 9 janvier 2009, une demande d'entraide judiciaire et un mandat d'arrêt sont envoyés en France. La procédure atterrit sur le bureau d'Eric de Montgolfier, le procureur de Nice. Dès le 20 janvier, à 7 heures, les gendarmes, accompagnés d'enquêteurs suisses, perquisitionnent le domicile provisoire d'Hervé Falciani. Ils saisissent une unité centrale d'ordinateur, un carnet de notes jaune à spirales, un téléphone portable, ainsi qu'un ordinateur portable.

Celui qui est présenté comme un vulgaire voleur par les Suisses est placé en garde à vue dans la foulée. Visiblement, il a conservé ses données informatiques. Encore faut-il pouvoir les exploiter. Du coup, la justice française demande à son homologue suisse une liste de mots-clés, afin de cibler son expertise. 51 mots-clés sont transmis aux Français. Parmi ceux-ci, DNEF, BND, BNP Paribas, Renseignement ou encore Georgina.

Hervé Falciani est remis en liberté mais ses explications intéressent fortement M. de Montgolfier qui pressent le caractère exceptionnel du dossier. Il ne se trompe pas. L'affaire prend très vite les atours d'un séisme diplomatique et judiciaire. Car, pendant que les experts tentent de faire "parler" l'ordinateur du suspect, Hervé Falciani ne demeure pas inactif. Il coopère avec les autorités françaises, transmet ses bases de données au fisc français via l'un de ses contacts à la DNEF. Il assure ne pas avoir été rétribué.

Le 9 mars, l'expertise informatique est finalement transmise au procureur de Nice. Celui-ci estime qu'au moins 130 000 dossiers - gravés sur un DVD - figurent dans ces listings. Il suspecte un éventuel délit, ordonne une enquête préliminaire pour "blanchiment". Et, le 9 juillet, donne à son tour le résultat de l'expertise à Bercy. Voilà comment, un fichier censément volé à Genève devient "légal" à Paris. A tel point qu'Eric Woerth, ministre du budget, peut brandir à la télévision, dès août 2009, la liste des contribuables français censés être indélicats. Avec, en perspective, le rapatriement en France de quelques centaines de millions d'euros qui dormaient en Suisse.

Las, l'affaire n'est pas si simple. La Confédération n'entend pas laisser piller ses secrets bancaires, surtout s'ils ont été dérobés. Elle réclame le retour de la procédure judiciaire. La France traîne les pieds, argue du fait qu'un agent de la DNEF est concerné, ce qui peut porter atteinte aux intérêts du pays. Un climat tendu, qui explique les escarmouches diplomatico-judiciaires récentes. A la mi-décembre, en toute discrétion, le procureur Eric de Montgolfier et le fisc français ont décidé d'unir leurs efforts. Les 2 953 Français concernés peuvent cauchemarder.

Gérard Davet

Le Sénat renonce à assimiler la Suisse à un paradis fiscal

Le Monde | 18 décembre 2009

Le Sénat a renoncé, vendredi 17 décembre, à pointer du doigt la Suisse en retirant, à la demande expresse du ministre du budget Eric Woerth, un amendement qui revenait à inscrire la Confédération helvétique sur la liste noire des paradis fiscaux.

L'amendement, discuté dans le cadre du collectif budgétaire 2009, prévoyait que les Etats qui n'ont pas ratifié leur "convention d'assistance administrative" passée avec la France soient considérés comme "non coopératifs" dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il ne citait pas expressément la Suisse mais il visait bien Berne, qui a annoncé mercredi qu'il allait suspendre le processus de ratification parlementaire de l'accord fiscal France-Suisse, pour protester contre l'utilisation par les autorités françaises de données volées à la banque HSBC à Genève.

D'ailleurs, la veille, le président centriste de la commission des finances Jean Arthuis et le rapporteur général du budget Philippe Marini (UMP) avaient nommément désigné la Suisse en présentant leur amendement à la presse.

"Cet amendement part d'une bonne intention" mais "dans le cadre de nos relations internationales, je ne veux pas rajouter de l'huile sur le feu", a lancé M. Woerth en direction des sénateurs. "Il ne faut pas adopter cet amendement tel quel. Je vous le demande ! Je vous le demande !", les a-t-il exhortés.

jeudi 17 décembre 2009

La Suisse sort ses sanctions contre Paris

Libération | 17 décembre 2009

L’affaire des fichiers volés à la banque HSBC menace l’accord de coopération.

Une vraie guerre fiscale entre Berne et Paris. Pour protester contre la récupération de données volées à la banque privée HSBC, la Suisse a décidé hier de suspendre la ratification du tout nouveau tout beau projet d’accord de coopération fiscale avec la France. En ligne de mire : Eric de Montgolfier, procureur de Nice, qui dispose d’un listing de plusieurs dizaines de milliers de noms, «volé» dans la filiale genevoise de HSBC en mai 2008, et qu’il a remis à Bercy.

Un dossier transmis par le Français Hervé Falciani, désormais planqué à Monaco pour éviter les foudres de la Suisse. Le procureur niçois affirme que les clés de décryptage des données lui ont été fournies par la justice helvète. Mais cette dernière dément : «Elles sont issues d’un vol, donc inutilisables.»

Pour les autorités suisses, et la presse à l’unisson, c’est un nouveau viol du pays par un grand Etat abusant de la «loi du plus fort», comme le souligne24 Heures. La France a-t-elle, au nom de la raison (fiscale) d’Etat, piétiné les principes élémentaires du droit ? C’est ce qu’a laissé entendre hier Hans-Rudolf Merz, ministre suisse des Finances et président en exercice de la Confédération. Outré par les méthodes françaises, il a annoncé qu’il demanderait au Parlement de ne pas ratifier la convention de double imposition facilitant l’échange d’informations avec Paris. Signée au printemps, elle avait permis à Berne - qui a conclu des conventions semblables avec douze autres Etats - de quitter la fameuse «liste grise» des paradis fiscaux de l’OCDE.

Les Suisses tentent de répliquer : «Dans un Etat de droit, ce genre de procédé n’est pas acceptable, a jugé Merz. La Suisse ne peut pas accorder d’entraide sur une telle base.» Faute d’avoir eu accès aux informations sorties du pays par Hervé Falciani, la Suisse n’est pas en mesure de dire quel matériel est aux mains de Paris. La France affirme disposer des données de 3 000 clients de banques suisses soupçonnées d’évasion fiscale.

Selon l’avocat genevois Marc Bonnant, «la question est moins de savoir qui a raison que de constater que les autorités suisses font preuve d’une naïveté incroyable… pour ne pas parler d’une impréparation totale dans ce qui est une guerre fiscale totale». «Si la Suisse persistait dans cette voie, prévient-on à Bercy, elle enverrait au monde un signal ambigu.»

Paradis fiscaux: les sénateurs vont-ils oser blacklister la Suisse?

L'amendement adopté prévoit que les Etats qui, au 1er janvier 2010, n'auront pas ratifié leur «convention d'assistance administrative» avec la France, sont considérés comme «non-coopératifs» dans la lutte contre les paradis fiscaux. Reste à le voter.

Les représailles n'ont pas attendu. Hier mercredi, pour protester contre la récupération de données volées à la banque privée HSBC, la Suisse avait décidé de suspendre la ratification du tout nouveau tout beau projet d’accord de coopération fiscale avec la France.

Ce jeudi midi, les sénateurs français ont adopté ce jeudi en commission l'amendement qui permet d'inscrire la Suisse sur la liste noire française des paradis fiscaux au 1er janvier 2010.

Cet amendement sera soumis à l'avis du gouvernement lors de sa discussion en séance publique dans l'après-midi. Puis il sera adopté ou rejeté par les sénateurs.

Il a été présenté par le président centriste de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, et son rapporteur UMP, Philippe Marini, dans le cadre du collectif budgétaire 2009.

Il prévoit que les Etats qui, au 1er janvier 2010, n'ont pas ratifié leur «convention d'assistance administrative» passée avec la France, sont considérés comme «non-coopératifs» dans la lutte contre les paradis fiscaux.

«Nous apprenons que les autorités fédérales suisses n'ont pas l'intention» de ratifier la convention d'échange d'informations fiscales signée entre les deux pays, a déclaré Philippe Marini.

«Si tel est le cas, nous sommes fondés à ajouter la Suisse à cette liste» des Etats non-coopératifs qui doit être fixée dans le cadre de mesures de lutte contre les paradis fiscaux figurant dans le collectif budgétaire, a ajouté le sénateur.

HSBC : l'ultimatum suisse à la France

Le Figari | 18 décembre 2009

Berne exige la restitution des données de la banque et Paris évoque l'«intérêt supérieur de l'État».

La liste de comptes de la HSBC Private Bank dévoilée grâce aux codes informatiques apportés à la France par Hervé Falciani est au centre d'une bataille inédite entre les justices suisse et française. La procureure fédérale helvète qui suit l'enquête depuis ses débuts vient en effet de demander dans un courrier adressé aux autorités françaises la restitution immédiate des très sensibles codes.

La représentante du département fédéral de la justice et du service de «la protection de l'État et des délits spéciaux» fixe la date du 25 décembre 2009 pour «la restitution des pièces issues de l'exécution de l'entraide judiciaire».

Sinon, énonce-t-elle sans fard, ce sera le constat que la France refuse d'appliquer «la convention européenne d'entraide en matière pénale». Ce texte datant de 1958 fixe les règles de la collaboration entre les enquêteurs des deux pays.

Place Vendôme, après examen du dossier d'entraide, plusieurs voix militent en faveur de la restitution des documents d'enquête aux Suisses. Mais ce geste serait un signal négatif envoyé aux services fiscaux et au ministre du Budget, Éric Woerth.

Bercy, après avoir dans un premier temps bénéficié des informations d'«Hervé» par le biais des services de renseignement, les avait dans un second temps reçues de façon tout à fait officielle grâce à une transmission par le parquet de Nice en date du 9 juillet 2009.

La restitution des données à la Suisse serait surtout un coup majeur porté à l'enquête. Les investigations du procureur de Montgolfier s'attachent aujourd'hui à vérifier si des capitaux issus du trafic de drogue ou d'abus de biens sociaux ont été mis au jour.

La gravité de ces soupçons permet précisément de refuser la demande de la procureure fédérale suisse. L'article 2 de la convention d'entraide stipule en effet que si le pays sollicité (ici, la France) «considère que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte (…) à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays», l'entraide peut être refusée.

Jeu de dupes

Dans cette bataille entre la France et la Suisse, chaque pays estime avoir été piégé par l'autre. Un jeu de dupes s'est en effet progressivement invité dans l'enquête après que les autorités helvètes ont diffusé, le 9 janvier 2009, leur demande visant Hervé Falciani et sa complice présumée.

Le parquet fédéral présentait alors les faits comme un vol et ne faisait pas état de contacts avec les services français - qu'il s'agisse des services fiscaux ou des services de renseignement.

Les Suisses ignoraient-ils alors vraiment qu'Hervé Falciani était une source des autorités françaises ? Un détail semble attester du contraire. Le 18 février 2009, la procureure fédérale a en effet communiqué à la justice française les mots-clés lui permettant «d'exploiter par (ses) services les données » d'Hervé Falciani.

Le courrier était donc accompagné d'une liste de plusieurs mots-clés : des noms de banques, des noms de clients mais aussi la mention «DNEF»... DNEF, comme la Direction nationale des enquêtes fiscales, avec laquelle Hervé Falciani aurait été mis en relation à la période où il entendait, selon ses dires, dénoncer l'opacité organisée du système bancaire mondial.

Crise entre la Suisse et la France dans l'affaire des évadés fiscaux

Le Monde - 16 décembre 2009

Pas une affaire d'Etat, ni même une affaire diplomatique, mais une affaire fiscale. Du ministère du budget à l'Elysée, tout l'appareil d'Etat s'emploie à minimiser le coup de colère de la Suisse à l'égard de la France, dans l'affaire de la liste d'évadés fiscaux présumés, volée à la banque HSBC à Genève avant d'être transmise au fisc français par l'informaticien Hervé Falciani, via la justice française.

Pour protester contre ce procédé de "récupération" de données volées, le président du Conseil fédéral suisse et ministre des finances, Hans-Rudolf Merz, a annoncé, mercredi 16 décembre 2009, qu'il suspendait le processus de ratification de l'accord de coopération fiscale, signé en août 2009 avec la France.

"Il s'agit d'un processus qui doit mettre la Suisse en conformité avec les standards internationaux en matière d'échange d'informations. Si les autorités suisses agissent ainsi, ce sera un bien mauvais signal donné au G20", avertit-on au ministère du budget, dans l'entourage d'Eric Woerth.

Ce que le ministre formule ainsi, dans un entretien à La Tribune du jeudi 17 décembre 2009: "Je n'imagine pas (…) que la Suisse ne confirme pas son intention de faire partie du mouvement mondial de levée du secret bancaire et de coopération entre les administrations fiscales. C'était tout l'enjeu des derniers G20."

Le fond du problème est également d'ordre judiciaire. En effet, la Suisse, via son procureur fédéral, réclame à la France la transmission de pièces d'exécution de sa demande d'entraide judiciaire, formulée en janvier 2009.

Seul le rapport d'expertise informatique des données que possédait Hervé Falciani n'a pas encore été transmis à la Suisse. Bercy ne semble pas forcément désireux de communiquer toutes les pièces de la procédure à la Suisse, arguant du fait que le nom d'un agent du fisc, Jean-Patrick M., figure dans les éléments du dossier, et que cette transmission pourrait porter atteinte aux intérêts de la France. La chancellerie, elle, pencherait plutôt pour une coopération judiciaire totale avec la Suisse.

A l'Elysée, où l'on confirmait, mercredi, le soutien de Nicolas Sarkozy à M.Woerth, et à sa méthode pour traquer l'évasion fiscale, le ton est tout aussi mordant: "La Suisse a conclu une nouvelle convention d'échanges fiscaux avec nous, il serait regrettable qu'elle remette en cause un processus qui lui a permis de sortir de la liste grise de l'OCDE (la liste des paradis fiscaux non coopératifs), souligne un proche du chef de l'Etat. C'est dans son intérêt d'être dans le mouvement parti du G20 de Londres, en avril, qui conduit les paradis fiscaux à lever leur secret bancaire."

"LE MONDE A CHANGÉ"

Et ce collaborateur d'ajouter: "Il est temps d'accepter le fait que le monde a changé! Il y a un avant et un après-crise."

Sur le fond du dossier, au sommet de l'Etat, la France récuse, avec une grande fermeté, l'accusation à peine voilée de la Suisse selon laquelle elle pourrait s'être rendue coupable de recel. Les services de Bercy, précise-t-on, sont restés sur le terrain du droit et de la loi. Ils n'ont pas utilisé une liste volée, ce qui aurait été inapproprié, mais ils ont agi à la suite d'une saisine de la justice.

En clair, bien que les services de Bercy aient eu connaissance, de leur côté, via l'un de leurs agents, de l'existence de cette liste volée par un ex-employé d'HSBC, ils ont attendu d'être saisis par le parquet de Nice pour enquêter sur ce fichier.

Appelé à l'aide par la Suisse, qui voulait mettre la main sur cet informaticien franco-italien de 37 ans enfui en France, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, Eric de Montgolfier, procureur de Nice, avait, en effet, décidé d'ouvrir une enquête préliminaire.

L'origine trouble des informations empêchait l'administration fiscale d'agir. Mais l'intervention de la justice française, qui enquête sur des faits de blanchiment potentiel d'argent caché à l'étranger, a donné une base légale à son enquête. Les contrôles fiscaux qui pourraient en découler s'en trouveraient par là même fondés, ajoute-t-on à Bercy.

"Dès lors qu'elle a été transmise par la justice, cette fameuse liste volée change de nature. Elle devient exploitable et les contrôles légaux. Ceux-ci peuvent être menés à leur terme", confirme un avocat pénaliste. S'il juge la méthode irréprochable en droit, l'expert précise cependant qu'"exploitable ne veut pas dire opposable: l'administration ne peut déduire de cette liste qu'il y a fraude fiscale".

Ainsi, la France semble décidée à croiser le fer avec la Suisse. "Nous cherchons à lutter contre l'évasion fiscale et à obtenir des résultats, il faut s'attendre à ce que cela crée des remous", lance un collaborateur d'Eric Woerth.

Tout en soulignant que dans les précédentes offensives contre l'évasion fiscale, notamment l'affaire de fraude fiscale massive opérée par des contribuables allemands au Lichtenstein en 2008, les autorités allemandes avaient révélé avoir acheté des informations secrètes, ce collaborateur souligne: "On a d'abord dit que la liste Woerth était un coup de bluff, on conteste maintenant la méthode, que dira-t-on ensuite? Faut-il voir, derrière ces offensives, la patte de ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change?"

Gérard Davet, Anne Michel

lundi 14 décembre 2009

HSBC : l'informaticien voulait moraliser le système

Hervé Falciani, qui avait «une vision messianique et sincère» selon le procureur Éric de Montgolfier, est sorti du silence dimanche.

Ni voleur, ni en fuite, ni payé par la France pour fournir des données bancaires secrètes… L'informaticien franco-italien de 38 ans dont les données sont aujourd'hui exploitées par la justice et le fisc français, a choisi dimanche de montrer son visage pour désamorcer les rumeurs qui l'entourent.

«Je n'ai pas peur, je ne me cache pas», a dit Hervé Falciani interrogé sur France 2, dévoilant même son identité complète. Le jeune homme, brun aux yeux marron, a confirmé que des motivations éthiques l'avaient guidé dans sa démarche et dans l'assistance technique qu'il prête aujourd'hui aux enquêteurs.

«Si vous découvrez que des strates de structures offshore ne servent qu'à contourner les prélèvements et que la seule légitimité de ces structures est là, que faites-vous ? Soit vous faites l'autruche soit vous essayez de comprendre !»

Face à la justice, Hervé Falciani avait déjà exprimé ce credo. Ses motivations étaient clairement exprimées dès le mois de juin dernier alors que l'enquête sur ses fichiers était déjà bien engagée. À cette date, il insiste pour être reçu par le procureur de la République de Nice en personne. Rendez-vous est pris pour le 5 juin 2009 avec Éric de ­Montgolfier.

Falciani lui décrit ses fonctions au sein de la banque HSBC Private Banking de Genève puis il raconte qu'il a été choqué par la quantité de «capitaux impurs» qu'il a vu défiler. Il fait part de ses surprises, mais aussi de ses frustrations : à chaque fois qu'il a proposé des modifications de l'architecture du système des données, il lui a été rétorqué que le secret des transactions s'imposait avant tout.

Face à un magistrat qui lui aussi s'interroge sur «les multiples systèmes garantissant l'anonymat et la discrétion de ces flux financiers, laissant croire qu'il y a beaucoup à cacher», Hervé Falciani détaille ses observations. Selon lui, le système bancaire est responsable de la crise financière qui, dit-il, l'a beaucoup choqué.

«Révolté», selon les termes de Me Patrick Rizzo, «dégoûté», selon les mots du procureur, il collecte à compter de ce jour des données de la banque, comme des preuves à charge. «Il refusait, dit son avocat, de travailler, même indirectement pour le crime organisé».

Aujourd'hui, jauge Éric de Montgolfier, la démarche du jeune informaticien est déterminée. «Il a une vision messianique et sincère», confie le magistrat. Le qualificatif de «messianique» («qui appartient au messie», dit le Littré) inscrirait la démarche d'Hervé Falciani dans un cadre pur et désintéressé. Un déclencheur de la fuite de l'informaticien vers la France a pourtant été la crainte de poursuites pénales.

Le 23 décembre 2008, alors qu'il avait été interpellé la veille au sein même de la banque pour «soustraction de données», il avait décidé de quitter la Suisse pour la France. Il y vit désormais protégé. Les autorités confédérales pourraient exprimer, dans les semaines qui viennent, quels sont leurs souhaits sur son sort.



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La Suisse a aidé la France à décrypter les fichiers

Nul ne sait aujourd'hui ce que donnera le décryptage total des données amenées au fisc et à la justice française par le biais d'Hervé Falciani, mais il apparaît que la justice suisse a appuyé les enquêteurs français dans leur recherche des secrets contenus dans les disques durs.

Le 18 février 2009, la Suisse a ainsi fourni à la France plusieurs pages de mots-clés permettant de décrypter plus facilement les données saisies dans l'ordinateur de Falciani lors de son interpellation, un mois plus tôt, à la demande des Suisses.

Cette liste de mots-clés figure en annexe d'une lettre adressée par la procureur fédérale de Bern au parquet de Nice.

«Je vous remets ci-après les mots-clés en vue de l'exploitation par vos services des données», précise alors la magistrate helvète qui entend éviter de «fastidieuses» copies de documents. Les mots-clés fournis et les codes connus permettent une exploitation précise des données informatiques. À l'origine, elles ne sont pas sous la forme d'une liste de comptes mais de données cryptées qu'il convient de continuer à décoder.

À ce jour, 4 000 comptes au nom de personnes ou de sociétés françaises ont déjà été identifiés pour des avoirs correspondant à 6 milliards d'euros. Dimanche dans le JDD, Éric de Montgolfier évoquait même 130 000 noms de personnalités concernées à travers le monde.

Dès que des faits de blanchiment ont été soupçonnés par le procureur, l'ouverture d'une enquête préliminaire a fait que la Suisse ne pouvait plus compter sur le retour d'Hervé Falciani ni de ses données. Leur présence est toujours indispensable en France pour les nécessités de l'enquête.

jeudi 10 décembre 2009

En 2008, l'Allemagne a acheté 4 millions d'euros des listings de contribuables coupables d'évasion fiscale

Le Monde, 10 décembre 2009

"La fin justifie les moyens." Tel pourrait être l'adage de Berlin dès qu'il est question de fraude à l'impôt, comme l'a démontré le scandale qui a éclaté outre-Rhin en février 2008.

Pour tenter de démasquer plusieurs centaines de contribuables coupables d'évasion fiscale vers le Liechtenstein, les autorités allemandes n'avaient pas hésité à mettre la main au porte-monnaie : en collaboration avec les experts du fisc, les services secrets extérieurs (BND) avaient acheté à un informateur des listings confidentiels pour plus de 4 millions d'euros. "De l'argent très bien investi", avait estimé à l'époque le ministère des finances.

L'"honorable correspondant" n'était autre qu'un ancien employé de la LGT, la banque de la famille princière au Liechtenstein. Plus précisément, Heinrich K. travaillait pour la LGT Treuhand, une filiale du groupe spécialisée dans la création de fondations. Ce collaborateur infidèle avait transmis au BND, moyennant finances, un CD comprenant les données bancaires de plus d'un millier de clients, volées par ses soins quelques années plus tôt.

L'affaire a fait couler beaucoup d'encre en Allemagne. Mais les méthodes employées par les autorités n'ont pas franchement suscité l'émoi de l'opinion publique, sans pitié pour les fraudeurs. Elles ont, en revanche, provoqué les foudres du Liechtenstein : la principauté a accusé Berlin d'avoir violé sa souveraineté en usant du droit du plus fort et au mépris des accords internationaux.

Face à ces attaques, le gouvernement allemand n'a pas cillé. Sûr de son bon droit, il a éreinté le secret bancaire en vigueur au Liechtenstein. Pendant plusieurs mois, les échanges entre les deux pays ont été vifs.

La chancelière Angela Merkel a réclamé plus de transparence sur les flux de capitaux à destination de la principauté. Elle a engagé Vaduz à signer une série de protocoles internationaux, notamment pour faciliter les enquêtes sur la fraude fiscale, menaçant en retour de ne pas ratifier l'accord sur l'entrée de la principauté dans l'espace Schengen. De cette époque date la détermination de l'Allemagne à partir en croisade - main dans la main avec la France - contre les paradis fiscaux.

La banque LGT a dû, quant à elle, essuyer les conséquences des indiscrétions de son ancien employé : nombre de clients ont porté plainte après avoir appris que leur nom figurait sur le fameux CD vendu par la "taupe". Pour l'Allemagne, l'affaire a, semble-t-il, été lucrative. Les listings ont permis de mettre la main sur quelques gros poissons dont le plus connu est Klaus Zumwinkel, l'ancien chef de la Deutsche Post, la poste allemande. Il était accusé d'avoir soustrait au fisc près d'1 million d'euros, parqués dans une fondation au Liechtenstein. Dès l'éclatement du scandale, il a démissionné de ses fonctions. En janvier, il a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende équivalente à ses arriérés d'impôts.

Patrons de grosses PME régionales, promoteurs immobiliers, grandes familles fortunées, ont été piégés par l'affaire. Perquisitions, enquêtes et procès se sont succédé à un rythme soutenu pendant des mois.

Le scandale a même pris une dimension internationale car les données bancaires en possession des autorités allemandes concernaient des ressortissants d'une dizaine de pays. Une liste de deux cents noms a ainsi été transmise à la France.

Outre-Rhin, une disposition de la législation fiscale permettant au fraudeur de s'auto-dénoncer afin d'éviter les poursuites a été largement utilisée. Le fisc a pu récupérer par ce biais plusieurs dizaines de millions d'euros. Un bon retour sur investissement, comme l'avait prédit le ministère des finances allemand...

Marie de Vergès

Evadés fiscaux : les données volées de HSBC sont-elles exploitables ?

Le Monde, 10 décembre 2009

Selon Bercy, le cheminement complexe suivi par le fichier volé par un ex-employé de la banque HSBC de Genève sur des contribuables français le rend légal et exploitable par le fisc. La révélation, mercredi 9 novembre, de cette affaire par Le Parisien a mis en doute la légalité des moyens auxquels le gouvernement a eu recours pour constituer sa liste de 3 000 contribuables français titulaires de comptes en Suisse ou dans d'autres pays à la fiscalité avantageuse.

Le ministre du budget, Eric Woerth, a reconnu mercredi soir que l'ancien employé des services informatiques de HSBC Private Bank de Genève était "une source", parmi d'autres, qui avait permis à la France d'établir sa liste, tout en assurant qu'aucune donnée n'avait été monnayée. Jeudi, l'entourage d'Eric Woerth a affirmé qu'une "partie" des données en possession de Bercy provenait des éléments piratés dans la filiale genevoise de la banque britannique.

Selon une source proche du dossier, c'est en fait "une grosse partie" de cette "liste des trois mille" qui a comme origine le fichier volé, qui concerne lui-même "plusieurs milliers de contribuables". HSBC, qui a reconnu le vol subi fin 2006 et début 2007, assure de son côté dans un bref communiqué que cette affaire ne porte que sur une dizaine de noms. "Probablement pour ne pas détériorer son image auprès de ses clients qui tiennent au secret bancaire", estime cette source.

TRANSMISSION PAR LA JUSTICE

Les données ainsi obtenues peuvent-elles être utilisées par l'administration ? Oui, assure Bercy. Dans un premier temps, l'ancien employé de HSBC a communiqué ses informations piratées à l'administration fiscale, explique-t-on au ministère du budget, mais cette transmission directe d'un fichier volé rendait son exploitation illégale.

Parallèlement, le même homme a fourni sa liste au parquet de Nice, saisi par les autorités suisses qui enquêtent sur le vol subi par HSBC. Le procureur de la République de Nice a "retransmis" officiellement au fisc les données susceptibles de contribuer à la lutte contre la fraude. Cette procédure judiciaire légalise ces informations. "Il n'y a en aucun cas recel à partir du moment où nous nous appuyons sur des éléments transmis par la justice", plaide Bercy.

Des avocats fiscalistes interrogés par l'AFP partagent cette interprétation. "Certains avocats pourront tenter de contester leur utilisation devant les tribunaux", dit l'un d'eux, "mais jusqu'ici, rien ne permet de dire que c'est illégal". Un autre estime toutefois que "Bercy n'a pas besoin de se servir de ces données dans un cadre officiel : il lui suffit de mettre subtilement la pression sur les personnes concernées, pour les inciter à régulariser leur situation". Car la France a ouvert en avril un guichet pour permettre aux détenteurs d'avoirs clandestins à l'étranger de les rapatrier en contrepartie de pénalités moins lourdes. Cette cellule, qui fermera le 31 décembre, a déjà permis de régulariser 1 400 cas, ce qui rapportera à l'Etat, en impôts recouvrés, 500 millions d'euros supplémentaires.

Note:

"Beaucoup plus de 3 000 noms""Il y a beaucoup plus de 3 000 noms sur ces listings", explique le procureur de Nice Eric de Montgolfier dans une interview à paraître vendredi 11 décembre dans Metro. "Nous sommes tombés sur un gros morceau" confirme le magistrat en charge de l'enquête sur les fichiers d'évadés fiscaux, qui s'intéresse plus particulièrement aux soupçons de blanchiment d'argent.

"Nous avons constaté un système d'évasion fiscale. Mais cela ne me concerne pas et j'ai transmis les informations au fisc", explique Eric de Montgolfier. "Il y avait d'autre part des éléments pouvant correspondre à du blanchiment", continue-t-il pour expliquer l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "suspicion d'origine frauduleuse de fonds".

mercredi 9 décembre 2009

Evasion fiscale : la liste des noms proviendrait d'un vol

Le Figaro, 9 décembre 2009

Un ex-employé de la HSBC genevoise serait à l'origine de la liste des 3.000 noms détenteurs de comptes en Suisse. Eric Woerth parle de sources légales.

L'affaire va faire grand bruit. Le Parisien dévoile ce mercredi qu'au moins une partie de la liste des 3.000 détenteurs de comptes en Suisse, soupçonnés d'évasion fiscale par Bercy en août dernier, serait issue d'un vol. L'auteur du larcin serait un ancien cadre informatique de la HSBC Private Bank de Genève. Frustré par sa direction, il aurait craqué le système informatique de cet établissement fin 2008 afin de mettre la main sur l'identité des détenteurs de compte. Puis il se serait réfugié en France en 2009, près de Nice, afin de transmettre ces précieuses informations au fisc français.

Le journal révèle qu'une enquête aurait été diligentée par la Suisse début 2009. La justice helvète réclame à la France l'homme et sa liste. En vain. Cette dernière reste sourde à ses appels. Pire aux yeux de la procureure fédérale suisse, la France exploiterait le document afin de traquer ses compatriotes détenant un compte à la HSBC genevoise.

Selon le Parisien, une enquête préliminaire aurait été ouverte en juin 2009 «dans la plus grande discrétion» par le procureur niçois Eric de Mongolfier. Ce dernier, qui soupçonne certains des habitants de son territoire de blanchiment d'argent en Suisse, aurait monté une cellule composée de gendarmes et de douaniers, chargée d'éplucher les comptes. Un travail de longue haleine qui nécessite l'aide du seul homme capable de décoder la liste : le voleur des données suisse. «Il a fabriqué les codes, il est le seul à en connaître les clés. Pour l'instant, il est assez coopératif», témoigne un enquêteur dans les colonnes du parisien.

«Des sources multiples»

Pour le moment, Bercy n'infirme pas l'information mais ne la confirme pas non plus. Le ministère des finances assure qu'il dispose de «plusieurs sources». Alors que l'article laisse entendre qu'une transaction du type échange de données contre protection aurait pu avoir lieu, le gouvernement précise «qu'il n'a jamais payé pour obtenir quelque liste que ce soit».

Eric Woerth a réagi à cette information à la sortie du Conseil des ministres. Selon lui, les listes de personnes soupçonnées d'évasion fiscal que détient actuellement le gouvernement «proviennent de plusieurs sources», sont «légales». Le ministre du Budget a ajouté avoir obtenu ces documents de «manière spontannée» et que «ces informations ne sont pas anonymes, nous ne prenons pas les informations anonymes, et ces informations ne sont pas rémunérées».

Interrogée sur la question ce mercredi matin au micro d'RMC-Info, la ministre de l'économie Christine Lagarde avait déjà démenti: «je l'ai appelé (Eric Woerth) pour lui demander si on avait payé, il m'a dit qu'on ne paye pas».

La ministre a bien confirmé que «le fisc français détient beaucoup d'informations parce qu'il y a des sources multiples». En revanche, elle a souhaité attirer l'attention sur les accords de coopération entre les pays. «Depuis un an, on mène un combat forcené pour faire revenir des expatriés fiscaux. On signe aussi avec de multiples pays, qui avaient refusé jusqu'à présent de nous donner des informations, des accords d'échanges d'informations avec la Suisse, le Luxembourg», a-t-elle précisé. Au total, ce sont 150 accords ces huit derniers mois pour avoir de l'information».

La banque HSBC de son côté confirme le vol mais doute que l'ensemble des 3.000 noms évoqués par Eric Woerth proviennent des fichiers volés. «Cela ne concerne pas plus de 10 noms», assure l'établissement.

Des centaines d'expatriés fiscaux de retour

Cette affaire relance la polémique sur la véracité des propos d'Eric Woerth. En août dernier, il assurait que les noms avaient été obtenus de manière tout à fait «anonyme, par des déclarations d'établissement». Les 3.000 personnes concernées par les soupçons d'évasion fiscale ont jusqu'au 31 décembre pour se manifester.

D'après Christine Lagarde, plusieurs centaines d'expatriés fiscaux seraient déjà revenus dans l'hexagone. Selon Bercy, le montant des placements des 3.000 contribuables français détenant des comptes dans trois banques en Suisse s'élève à trois milliards d'euros.

La liste de fraudeurs détenue par Bercy proviendrait en partie d'un vol

Le Monde, 9 décembre 2009

La liste des 3 000 fraudeurs fiscaux français détenue par le ministère de l'économie proviendrait pour partie d'un vol commis fin 2008 par un employé de la HSBC de Genève, affirme le Le Parisien-Aujourd'hui en France du mercredi 9 décembre 2009.

"On ne confirme ni n'infirme", précise le ministère du budget, en rappelant qu'Eric Woerth a "toujours assuré qu'il avait plusieurs sources" pour établir la liste et "qu'il n'a jamais payé pour obtenir quelque liste que ce soit".

Le ministre du budget avait révélé fin août 2009 être en possession d'une liste de noms de contribuables français détenteurs de comptes bancaires en Suisse pour un montant de trois milliards d'euros. Le gouvernement les a invités à régulariser leur situation d'ici au 31 décembre 2009.

Eric Woerth avait déclaré que ces informations avaient été obtenues de manière anonyme et sans contrepartie financière. "La France aurait mis en place une cellule d'enquête, composée pour partie d'agents des douanes, chargée d'analyser 'plusieurs milliers de comptes' provenant du vol", avance le quotidien.

"Une partie de cette liste proviendrait d'un vol commis fin 2008, au préjudice de la HSBC Private Bank de Genève par un cadre du service informatique de la banque", ajoute Le Parisien. La banque a porté plainte. La Suisse a ouvert une enquête. La France, qui fait la sourde oreille, refuse pour l'instant de rendre aux Helvètes leurs données bancaires".

LE VOLEUR RÉFUGIÉ DANS LE SUD DE LA FRANCE

Selon Me Patrick Rizzo, l'avocat du cadre informatique interrogé par le journal, l'ouverture de l'enquête a obligé "les autorités fiscales à exploiter ces données" fournies à la France par son client. Celui-ci serait un franco-italien de 38 ans dont le nom n'est pas révélé. Il se serait réfugié dans le sud de la France. Le procureur de Nice, Eric de Mongolfier, aurait décidé, selon le Parisien, d'ouvrir une enquête préliminaire dans le plus grand secret, soupçonnant certaines personnes de son ressort territoire d'avoir ouvert des comptes dans la banque genevoise pour blanchir de l'argent.

Contactée par Le Parisien, la HSBC de Genève a confirmé le vol mais a assuré, en l'état actuel de ses connaissances, qu'il ne concernait "pas plus de dix clients" et que "les données sont anciennes et pas de nature sensible".

mercredi 21 octobre 2009

L’affaire que Nicolas Sarkozy surveille de très, très près

L’affaire que Nicolas Sarkozy surveille de très, très près, veilleur.blog.lemonde.f, 20 octobre 2009
[veilleur.blog.lemonde.fr]

Il n’y a pas que Clearstream qui mobilise en ce moment l’attention du chef de l’Etat. Le journal Bakchich Hebdo daté du 7 octobre avait révélé le contenu des cahiers de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de la direction des Constructions navales (DCN). La DCN est bien connue pour avoir fabriqué les frégates de Taïwan. Les carnets sont placés sous scellés au pôle financier. Et que disent ces fameux cahiers ? Ils évoquent des noms de personnalités politiques, de gauche comme de droite. D’Edouard Balladur à Elisabeth Guigou en passant par… Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua. Ceux-ci auraient perçu des commissions pour l’exécution des grands contrats de la DCN internationale et notamment au moment de la vente de frégates à Taïwan et de sous-marins au Pakistan.

Mediapart , le 16 octobre indiquaient que “selon une enquête interne à la DCN, menée en 2002 sous le nom de code «Nautilus» par un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet, les causes véritables de l’attentat, initialement imputé à la mouvance Al-Qaida, seraient en réalité liées au non-versement de commissions occultes dues par la France à des officiels pakistanais. (…) L’arrêt de ces paiements fut le fait, en juillet 1996, du nouveau président de la République, Jacques Chirac. Celui-ci aurait alors suspecté son rival de l’époque, Edouard Balladur, d’avoir financé illégalement sa campagne présidentielle de 1995 à la faveur de deux gros contrats d’armement signés sous son gouvernement.”

L’ancien directeur général délégué de DCN Alex Fabarez entendu le 2 octobre par les magistrats, affirme qu’une partie de ces commissions a continué d’être versée jusqu’en 2008, selon des sources proches du dossier, confirmant une information de Libération.

Dans un document interne de DCN non datée, que l’AFP a consulté et révélé par Médiapart, l’entreprise évoque les soupçons de rétrocommissions, illégales mais non prouvées à ce stade.”En juillet 1996, les paiements sont bloqués sur instruction des autorités françaises faisant état de retours illicites de tout ou partie des commissions en France”, est-il noté dans ce document intitulé “Concultancy agreement 12 juillet 1994 - Note sur le dossier”.

Nicolas Beau et Xavier Monnier, dans Bakchich, précisaient que “à la manœuvre de tout le système servant à alimenter les caisses noires des partis politiques, se trouvait un personnage forcément discret, Jean-Marie Boivin, alias Bacchus. Un monsieur au mieux avec l’ensemble du personnel politique tricolore. Sous Chirac, Bacchus avait ses entrées à l’Élysée. Et ce sont les confidences de cet homme de l’ombre, consignées par le scrupuleux Menayas, qui tourmentent un président de la République qui l’est déjà trop. L’encombrant « verbatim » signé Gérard Menayas est aujourd’hui dans les scellés d’une discrète instruction menée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin.”

Samedi dernier, Libération consacrait trois pages à cette affaire. Avec un article sur Bacchus : “C’est le fantôme de l’affaire DCN. Jean-Marie Boivin, en charge des commissions offshore, était convoqué jeudi [15 octobre] par les juges d’instruction. Il n’est pas venu : partie remise… Boivin, dit «Bacchus», a longtemps été membre de l’état-major du fabriquant de sous-marins avant de s’installer au Luxembourg pour prendre directement en main la structure chargée de répartir les flux financiers : Eurolux. Toujours inconnu de la justice française, Bacchus ne l’est pas de Sarkozy, qui surveille l’affaire DCN comme le lait sur le feu.”

Renaud Lecadre concluait cet article avec cette précision : “Heureusement pour Sarkozy, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, veille au grain. Dans une note au parquet général, remontant illico à la chancellerie et à l’Elysée, il écrivait en 2007 que «le périmètre le plus pertinent d’une éventuelle information exclut en l’état les faits relatifs à des structures écran». Hélas pour lui, les juges antiterroristes sont en train de faire exploser le périmètre.”

Dans l’article principal de Libération, Guillaume Dasquié et Renaud Lecadre constatent la “panique dans les palais nationaux” et cite Jean-Claude Marin : «Un document non daté et non signé laisse supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur en 1995 […]. Le contentieux a été l’occasion de menaces proférées par les dirigeants des sociétés écrans de révéler la nature des missions qui leur avaient été confiées..».”

Le nouvelobs.com notait que “quelques lignes du cahier de Gérard-Philippe Menayas à propos du patron du parquet de Paris Jean-Claude Marin, sèment le trouble quant à l’avenir de l’information judiciaire : “JC Marin, petit frère, pilote l’instruction, dont il a sérieusement réduit le périmètre”. Et le site de se demander : “Bref, les éléments embarrassants vont-ils finir aux oubliettes ?”

Jean-Claude Marin… oui, c’est bien le même qui, aujourd’hui, livre ses réquisitions au tribunal correctionnel dans le procès Clearstream.

vendredi 2 octobre 2009

Les banques françaises vont quitter les paradis fiscaux

Les banques françaises vont quitter les paradis fiscaux, Le Figaro, 01/10/2009

D'ici mars 2010, les établissement auront tous fermé leurs filiales dans les pays présents sur la liste grise de l'OCDE.

L'ensemble des banques françaises va suivre l'exemple de BNP Paribas. Cette dernière a annoncé en debut de semaine sa décision de fermer toutes ses filiales et sucursales présentes dans les pays présents sur la liste grise de l'OCDE.

Une démarche que vont donc imiter les autres grandes banques françaises, selon l'annonce faite jeudi par le vice-président de la Fédération bancaire française François Pérol, à l'issue d'une réunion à l'Elysée qui réunissait Nicolas Sarkozy, François Fillon, et les dirigeants des principaux établissements du pays.

«C'est une décision prise par l'ensemble des banques françaises», a indiqué le président de BPCE, le groupe né de la fusion entre la Banque populaire et la Caisse d'Epargne.

«Le président a fait le tour des suites du G-20 sur trois points très importants», a-t-il indiqué, à savoir les rémunérations des traders, les normes prudentielles et les pays non-coopératifs ou paradis fiscaux.

Baudouin Prot, directeur général de la BNP Paribas, avait récemment déclaré que la banque allait fermer ses filiales dans les paradis fiscaux qui resteront sur la liste «grise». La banque va ainsi quitter Panama et les Bahamas.

«Ces déclarations sont encourageantes. Malheureusement ce n'est pas suffisant de se conformer à une liste qui fond comme neige au soleil», a indiqué à l'AFP Maylis Labusquière de l'ONG Oxfam, faisant écho aux critiques concernant la composition de ces listes.

Depuis leur publication en avril, douze pays dont d'importantes places financières (Suisse, Monaco, Luxembourg...) ont été «blanchis» après avoir réuni les douze conventions d'échange d'informations fiscales requises, même si certains de ces accords ont été signés... avec des paradis fiscaux.

«Il se peut que la promesse des banques n'engage à rien. Au rythme où les pays sortent de la liste grise, il n'y aura plus grand monde en mars», affirme à l'AFP Jean Merckaert, du Comité catholique contre la faim et pour le développement, en pointe sur ce dossier.

Récemment, le député (PS) Arnaud Montebourg s'est joint aux détracteurs des listes, les qualifiant de «listes de complaisance» et accusant l'OCDE d'être responsable de «l'enterrement de première classe» de la lutte contre les paradis fiscaux.

Fin 2008, une trentaine d'établissements français comptabilisaient 160 filiales et 84 succursales dans les pays qui figuraient sur la liste «grise» publiée en avril 2009, notamment le Luxembourg (90 entités) et la Belgique (52 entités), selon une enquête de la Commission bancaire citée dans un récent rapport parlementaire.

D'après une enquête d'Alternatives économiques publiée en avril, les banques françaises sont «très engagées» dans les centres offshore. BNP Paribas, Crédit Agricole et la Société générale y disposeraient à elles seules de 361 entités.

Les actifs gérés par les banques françaises dans les paradis fiscaux s'élèvent «à plusieurs centaines de milliards d'euros», a estimé jeudi sur LCI, François d'Aubert, le monsieur «paradis fiscaux» du gouvernement.

lundi 28 septembre 2009

L'opacité des paradis fiscaux a aggravé la crise financière

L'opacité des paradis fiscaux a aggravé la crise financière, Le Figaro, 28 septembre 2009

En signant douze conventions OCDE, Monaco et la Suisse sortent in extremis de la liste grise.

«Les paradis fiscaux, c'est terminé», a décrété Nicolas Sarkozy à New York. De fait, on ne peut nier des avancées significatives depuis le dernier G20 de Londres.

Plusieurs pays ont tenu leurs enga­gements d'appliquer les standards internationaux sur l'échange d'informations en matière fiscale. Ainsi, Monaco et la Suisse ont bouclé in extremis, juste avant l'ouverture du sommet, leur course aux douze conventions bilatérales, seuil requis par l'Organisation pour la coopération et le développement économiques pour sortir de la liste grise.

«C'est un progrès significatif», s'est réjoui jeudi le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria.

De là à annoncer la fin du secret bancaire, Nicolas Sarkozy a fait montre d'optimisme. Comme l'a remarqué le ministre du Budget, Éric Woerth, mercredi dernier alors qu'il signait trois nouvelles conventions, «sortir de la liste grise n'est pas une fin en soi».

Refuge des hedge funds

Pour aller plus loin, le G20 pourrait s'inspirer du rapport sur les paradis fiscaux qui vient d'être remis par le Conseil d'analyse économique franco-allemand à François D'Aubert, délégué général à Bercy sur le sujet.

«Nous avons délaissé le champ fiscal pour nous concentrer sur les aspects de régulation», précise Catherine Lubochinsky, professeur à Paris-II et coordinatrice du rapport.

«En nous focalisant sur les territoires anglo-saxons, type Bermudes ou Caïmans, qui sont moins régulés que les pays européens.»

Le constat est net : sans être à l'origine de la crise économique, l'opacité des paradis fiscaux a contribué à son ampleur. De quelle manière ?

Notamment en hébergeant les actifs risqués des banques, qu'elles ont placés dans des véhicules ad hoc, réputés pour leur sophistication et leur opacité. C'est bien ce manque de transparence et l'absence de réglementations qui attire les investisseurs.

On estime que 40 à 50% de l'ensemble des flux financiers transitent par ces territoires dits non coopératifs. Avec comme corollaire une économie très dépendante de l'activité bancaire et financière.

À Jersey, par exemple, le secteur financier représente 50% du PIB. Ce n'est pas un hasard non plus si trois quarts des hedge funds sont domiciliés dans les paradis fiscaux, dont le tiers aux seules îles Caïmans.

Entre autres remèdes, les auteurs proposent d'imposer l'enregistrement des fonds alternatifs, moyennant une pénalité, et de taxer les flux.

«Tant l'amélioration de la régulation existante que les avancées fiscales contre ces territoires permettront à terme de réduire leur opacité», a ajouté Catherine Lubochinsky.

BNP Paribas ferme ses filiales dans les paradis fiscaux

BNP Paribas ferme ses filiales dans les paradis fiscaux, Le Figaro, 28 septembre 2009

La banque fermera d'ici 2010 ses filiales qui sont sur la liste grise de l'OCDE. Selon le directeur général Baudouin Prot, cela représente une «demi-douzaine».

Invité d'Europe 1 ce lundi matin, Baudouin Prot, directeur général de la BNP Paribas a déclaré que la banque allait fermer ses filiales dans les paradis fiscaux qui resteront sur la liste «grise». «Nous avons décidé de fermer nos filiales dans les paradis fiscaux (...) qui figurent sur la liste grise» de l'OCDE, a-t-il déclaré. Concrètement cela devrait représenter «une demi-douzaine» de sociétés. Et de préciser que BNP Paribas va ainsi quitter le Panama et les Bahamas.

Ces deux pays sont les seuls parmi ceux figurant sur la liste «grise» où BNP Paribas possède des implantations,selon une porte-parole de BNP Paribas. Elles comprennent deux filiales et six succursales, dont les activités concernent essentiellement la banque privée et la banque de financement et d'investissement.

BNP Paribas s'est fixé pour objectif de fermer ces implantations d'ici 2010.

Les banques françaises seront bientôt tenues d'exposer en détail, dans leur rapport annuel, leur exposition dans les pays non coopératifs en matière fiscale, en vertu d'une loi votée en juin par le Parlement. Un décret d'application doit être publié cet automne pour préciser la nature des informations à publier ainsi que la liste des pays concernés.

Lors du sommet qui s'est tenu à Pittsburgh (Etats-Unis) jeudi et vendredi, le G20 a réitéré son souhait de s'attaquer aux paradis fiscaux. Plusieurs pays, dont la Suisse et Monaco, ont réussi à sortir de la liste «grise» la semaine dernière en signant des accords bilatéraux de coopération fiscale.

Alors que la banque britannique HSBC a annoncé qu'elle allait réinstaller sa direction générale en Asie, pour tirer les leçons de la montée en puissance de l'économie dans cette zone, Baudouin Prot a garanti que «BNP Paribas va garder son centre de décision à Paris», rappelant que sa banque était la première de la zone euro par les dépôts.

Concernant le remboursement du prêt de 5,1 milliards euros de l'Etat, Baudouin a indiqué qu'il «interviendrait avant le 30 juin 2010».

vendredi 25 septembre 2009

La Suisse prépare l'après-secret bancaire

La Suisse prépare l'après-secret bancaire, Le Figaro, 23 septembre 2009

par Anne Cheyvialle

La place financière helvétique, qui mise sur son expertise et sa qualité de service, s'est déjà largement diversifiée en accueillant des capitaux en provenance de pays en développement.

Soixante-quinze ans de secret bancaire, gravé dans le marbre des textes de loi. Les Suisses y sont très attachés, c'est culturel. «Nous tenons à la protection de la sphère privée, commente Ladislas Klement, expert en ­criminalité financière. Chez nous,la présomption d'innocence est fondamentale.»

Les Suisses respectent leurs institutions et ne comprennent pas l'opprobre des voisins européens. Dans la lutte contre le blanchiment de l'argent, par exemple, Berne se targue d'avoir mis en place un système très efficace. «L'affaire Elf n'aurait jamais été résolue sans l'aide de la Suisse», lance Carlo Lombardini, avocat en droit bancaire.

Désormais, ce n'est plus seulement sur le terrain pénal que la Suisse devra coopérer. L'autorité administrative devra répondre aux soupçons d'évasion fiscale. Une fois que la douzaine de conventions bilatérales aux standards OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) seront entrées en vigueur.

Pour le client étranger, c'est la fin du secret bancaire. Résultat, les agents de Bercy fourbissent leurs armes dans la perspective de janvier 2010, date d'application de l'accord franco-suisse. La traque pourrait bien commencer par la liste des 3 000 noms, évoquée début septembre par le ministre du Budget, Éric Woerth.

Du coup, le risque n'est pas négligeable pour la place helvétique de voir s'envoler des milliards d'euros vers des horizons plus cléments. «Pour l'instant, nous ne constatons pas d'exode, remarque Carlo Lombardini.

Mais les deux prochaines années seront décisives.» «On ne peut échapper au transfert d'avoirs vers Singapour, témoigne un gestionnaire de comptes. L'activité, c'est sûr, va connaître un coup d'arrêt à court terme. Mais le dynamisme, la qualité de service et la sécurité continueront d'attirer la clientèle.»

Négoce de pétrole

Fort de ces atouts, les banques se veulent sereines. D'une part parce que depuis quelques années, la clientèle s'est beaucoup diversifiée. Les capitaux n'arrivent plus seulement d'Europe, mais d'Asie, d'Amérique latine, du golfe Persique. Et les banques étrangères, chinoises notamment, continuent de s'installer, défend aussi l'Association suisse des banquiers. «Nous recevons constamment des délégations étrangères», précise Pierre Odier, son président.

La Suisse est par ailleurs devenue une plaque tournante dans le négoce de matières premières (sucre, coton, cacao, pétrole…). Plus de 500 sociétés de trading sont installées sur les bords du lac Léman.

Si l'on en croit un récent sondage d'Ernst & Young, les attaques fiscales de tous bords de ces derniers mois n'ont pas découragé les entreprises. Les cadres dirigeants interrogés vantent aussi bien la stabilité politique et la sécurité juridique que la qualité de vie et le climat social. Enfin, le pays reste attractif pour l'exilé fiscal. Pas seulement pour le résident non travailleur qui négocie son forfait fiscal. En Suisse, la fiscalité peut varier du simple au double d'un canton à un autre.

À Zoug, par exemple, l'impôt est inférieur de moitié à la moyenne nationale. Un avantage qui pourrait inciter les gestionnaires de hedge funds à quitter la City, après la décision de Gordon Brown de taxer davantage les tranches les plus élevées. «La réglementation risque aussi de rester plus libérale que dans l'Union européenne», complète Carlo Lombardini.

La Suisse n'est plus un paradis fiscal

La Suisse n'est plus un paradis fiscal, Le Figaro, 25 septembre 2009

La Confédération helvétique a été officiellement retirée de la liste grise vendredi matin, après avoir signé les douze conventions d'échange d'informations fiscales requises par l'OCDE.

La Suisse est rentrée dans le rang. La Confédération helvétique a officiellement été retirée vendredi matin de la liste grise des paradis fiscaux de l'OCDE. Elle figure désormais sur la liste blanche des pays considérés comme vertueux en terme de coopération fiscale et rejoint les onze autres pays et territoires blanchis depuis la publication des listes début avril par l'Organisation de coopération et de développement économiques.

«C'est un progrès très significatif», s'est réjoui le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, en adresant ses «félicitations» aux autorités helvétiques. Plusieurs pays, dont l'Autriche lundi et Monaco mercredi, ont réussi à sortir de la liste grise in extremis avant le début jeudi du sommet du G20 à Pittsburgh, où la question des sanctions contre «ces territoires non-coopératifs» doit être abordée.

Pour Nicolas Sarkozy, interrogé mercredi soir sur TF1 et France 2, «il n'y a plus de paradis fiscaux» et le secret bancaire est «fini». Des déclarations jugées trop hâtives par certaines ONG qui reprochent au chef de l'Etat d'avoir «vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué» : la liste grise compte toujours en effet une trentaine de pays.

Surveiller la mise en oeuvre des accords

En détail, une fois les accords de coopératin entrés en vigueur, les Etats absous ne pourront plus se réfugier derrière le secret bancaire si un pays signataire leur adresse une demande «vraisemblablement pertinente» d'information sur un particulier ou une entreprise soupçonnés d'évasion fiscale.

De leur côté, les autorités helvétiques ont affirmé à plusieurs reprises que les demandes d'informations devaient permettre d'identifier «clairement» le contribuable visé et la «banque concernée. La convention signée avec la France stipule toutefois que ces renseignements ne doivent être communiqués que «dans la mesure où elles sont connues»

Récemment constitué sous l'égide de l'OCDE et présidé par la France, un groupe de 30 pays vérifiera à partir du début 2010 l'application concrètes des accords et publiera des évaluations pays par pays. Des ONG s'alarment en effet de la tendance de certains paradis fiscaux à conclure des accords entre eux.

samedi 19 septembre 2009

Didier Migaud: «Il faut prendre la fraude fiscale à bras-le-corps»

Le Figaro - 10/09/2009

La commission des Finances présente jeudi un rapport d'information comportant une série de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale. Pour Didier Migaud, son président, afin d'éradiquer ce fléau, il faudrait notamment créer un service fiscal d'enquête.

Lefigaro.fr : Quelles sont les grandes lignes du rapport de la Commission des Finances pour lutter contre la fraude fiscale ?

Didier Migaud : Nos propositions - il y en a trente - visent à nous doter de moyens supplémentaires pour détecter et sanctionner la fraude fiscale. Certaines de ces mesures se traduiront par des propositions d'amendements lors des discussions sur le projet de loi de Finances. Ainsi, pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale, il faudrait instaurer une obligation pour les banques de déclarer de manière systématique, sans demande préalable du fisc, tous les mouvements de capitaux vers des centres non-coopératifs. Il faut également créer un service fiscal d'enquête, composé d'agents du fisc qui auraient la qualité de fonctionnaires de police et placés sous l'autorité du juge. Il faut en outre durcir les pénalités sur les transactions avec les centres non coopératifs et lever le secret bancaire. Enfin, c'est important, la France doit se doter de sa propre liste des territoires non coopératifs ; liste à partir de laquelle les obligations déclaratives seraient applicables.

Eric Woerth a annoncé vouloir étendre et systématiser les échanges d'informations entre les banques et l'administration fiscale. Va-t-il dans la bonne direction ?

Les initiatives du ministre en la matière vont dans le bon sens. Il pourrait même aller plus loin puisque dans son projet, c'est au fisc de demander à une banque de lui communiquer les listings de tous les transferts de capitaux vers des paradis fiscaux alors que nous proposons que les banques communiquent ces listings de manière spontanée, et même de retirer l'agrément aux banques qui ne coopèrent pas. Il faut que les contribuables comprennent bien que les temps ont changé et qu'il y a une réelle volonté de prendre la fraude fiscale à bras-le-corps. Ceux qui sont en règle n'ont rien à craindre d'une enquête fiscale mais les autres devraient se rapprocher de l'administration.

Certains de vos collègues socialistes dénoncent une amnistie déguisée à propos de la possibilité donnée aux contrevenants de régulariser leur situation sans poursuite pénale avant le 31 décembre. Quelle est votre position ?

Je suis contre toute forme d'amnistie fiscale. Les contribuables concernés doivent être redressés. Mais à partir du moment où une personne propose de se mettre en règle, c'est normal qu'on ne la mette pas en prison. Si l'administration fiscale dispose ensuite d'une marge d'appréciation concernant l'application de pénalités de retard, cela ne me choque pas. Mais cela ne correspond en rien à une amnistie.


Les principales mesures du rapport d'information


- L'obligation pour les banques de déclarer spontanément tout transfert de fonds, toute ouverture de compte ou tout montage financier ayant un lien avec un paradis fiscal. Avec comme sanction le retrait de l'agrément aux banques non coopératives.

- La création d'un service fiscal d'enquête, placé sous l'autorité du juge et composé d'agents du fisc ayant la qualité de fonctionnaires de police.

- Le durcissement des pénalités sur les transactions avec les centres non coopératifs.

- Le retrait de la circulation des billets de 500 euros pour lutter contre le blanchiment d'argent. Le rapport préconise que les particuliers ne paient plus en espèces au-delà de 3.000 euros et au-delà d'un seuil de 1.100 euros pour les commerçants.

jeudi 17 septembre 2009

Bercy veut "handicaper les échanges financiers avec les paradis fiscaux"

Bercy veut "handicaper les échanges financiers avec les paradis fiscaux", Le Monde, 17 septembre 2009

Le gouvernement français veut "mettre un poste de gendarmerie au bord de toute route menant à la fraude fiscale", assure au "Monde" le ministre du budget, Eric Woerth.

Le gouvernement met ainsi la dernière main à un décret qui permettra à l'administration fiscale de disposer d'un "droit de communication élargi" auprès des banques installées en France, pour tous les mouvements financiers vers l'étranger.

Ce texte permettra par exemple au fisc d'obtenir une liste complète de clients ayant viré de l'argent vers un pays donné sur une période fixée.

"Nous voulons handicaper les échanges financiers et commerciaux avec les paradis fiscaux", annonce M. Woerth.

Le gouvernement prévoit de sanctionner les entreprises qui continueraient d'y travailler ou y garderaient des comptes en banque.

Le ministre du budget revient également sur l'annonce médiatisée de la constitution d'une liste de 3 000 personnes soupçonnées d'évasion fiscale en Suisse.

Selon des estimations fiables, entre 100 000 et 200 000 personnes détiendraient des comptes non déclarés à l'étranger, dont une bonne partie en Suisse.

"Toute personne qui possède un compte non déclaré sera régularisable", déclare M.Woerth.

mardi 15 septembre 2009

La liste des 3000 fraudeurs suscite des interrogations

Le Figaro, 15 septembre 2009

L'annonce d'une liste détenue par le fisc français de 3000 contribuables titulaires d'un compte en Suisse a provoqué la réaction de nombreux banquiers suisses et de spécialistes du droit bancaire et fiscal qui doutent de sa possession.

Au lendemain de la révélation, par Eric Woerth, le ministre du Budget, d'une liste de 3000 contribuables français détenant des comptes en Suisse, les banquiers helvètes n'en reviennent toujours pas. «Nous sommes vraiment déconcertés par cette annonce du gouvernement français», confie un porte-parole de l'Association suisse des banquiers, résumant ainsi la confusion qui règne dans la Confédération. L'étonnement est d'autant plus grand que le ministère suisse des Finances a indiqué ne pas avoir reçu de demande d'entraide administrative - la voie officielle pour obtenir des informations protégées par le secret bancaire - de la part de Paris.

Quant aux principaux établissements helvétiques, ils ont choisi de ne pas commenter le sujet. Le fait qu'Eric Woerth ait maintenu le flou sur l'origine des informations fournies pour établir la liste, contribue à cette confusion. Le ministre français du Budget a en effet seulement évoqué que deux établissements bancaires avaient révélé spontanément un certain nombre de noms de leurs clients ayant ouvert des comptes en Suisse, sans que l'administration fiscale en soit informée.

Selon l'entourage du ministre, ces deux banques «sont installées en France», sans plus de précision sur leur nationalité. Pour Martin Maurer, directeur de l'Association des banques étrangères en Suisse, «il n'est pas possible que la filiale d'une banque étrangère installée en Suisse communique» à sa maison mère à l'étranger, «des informations bancaires car elles sont protégées par le secret bancaire helvétique». Maître Carlo Lombardini, avocat à Genève, renchérit : «elles s'exposeraient à de très lourdes sanctions en droit suisse si tel était le cas». En revanche, souligne Martin Maurer, «une banque suisse installée en France est soumise au droit français». Elle doit donc répondre aux injonctions des autorités françaises mais seulement en ce qui concerne les comptes en France.

«Une liste de 3000 noms me paraît énorme»

La question est de savoir s'il s'agit d'un coup de bluff de la part du gouvernement français, ou d'une attaque en règle contre la place financière ? Les spéculations vont bon train. «Il y a peut-être une liste», avance Maître Lombardini. «Mais 3000 noms me semble vraiment énorme».

Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférence, spécialiste du droit bancaire, s'interroge sur la manière dont le gouvernement français s'est procuré cette liste. «Elle a très bien pu être achetée. Se pose alors la question de la loyauté de la preuve puisqu'elle a été obtenue de manière illicite».

Pour un avocat parisien, «c'est peut-être un coup de bluff pour inciter les contrevenant à régulariser leur situation». Tout faux, répond le ministre du Budget, Eric Woerth, qui a assuré lundi soir qu'il ne bluffait pas en annonçant détenir la liste de 3.000 contribuables soupçonnés d'évasion fiscale en Suisse. Pour autant, la finalité du gouvernement est claire : pousser les contribuables à régulariser leur situation avant la fin de l'année.

Selon Martin Maurer, «le gouvernement souhaite éviter une procédure d'entraide administrative», telle qu'elle a été définie dans l'accord de double imposition signé la semaine dernière entre Paris et Berne et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2010. Cette procédure d'entraide étant complexe à mettre en œuvre, il est sûr que le gouvernement français préfèrerait que les contrevenants s'auto-dénoncent.

D'où la menace d'une liste de 3000 noms... «Mais dans la mesure où il y a un flou absolu concernant l'identité des contribuables présents sur la liste, les personnes détenant des comptes en Suisse ont plutôt intérêt à ne rien faire avant le 31 décembre», conseille un spécialiste du droit. Et pour celles qui voudraient rentrer dans le droit chemin et se dénoncer, «il pourrait y avoir des transactions au cas par cas», explique Maître Marie-Christine Cazals, du cabinet Picovschi à Paris.

vendredi 11 septembre 2009

Trente mesures contre les paradis fiscaux

Anne Cheyvialle - Le Figaro - 11/09/2009

Dans un rapport rendu public hier, Gilles Carrezet Didier Migaud proposent de renforcer la régulation financière et bancaire.

Créer une police fiscale. Voici l'une des trente mesures que propose la mission de l'Assemblée nationale sur les paradis fiscaux mise en place en décembre dernier. « Cette proposition pourrait être inscrite dans le projet de loi de finances 2010 », a précisé le député Didier Migaud (PS), président de la mission. L'idée étant d'accélérer les procédures « trop lourdes » de l'administration fiscale. À cette fin, les agents du fisc se verraient doté de compétences judiciaires et placées sous l'autorité du parquet.

Portée par une conjoncture favorable, soucieuse de poursuivre les efforts entamés au G20, aidée tout récemment par les révélations sur la liste des 3000 comptes suisses, la mission a listé plusieurs rè­gles visant, d'une part, à améliorer la régulation financière et bancaire et d'autre part, à renforcer les moyens de détecter et de réprimer la fraude fiscale. Fraude qui représenterait un manque à gagner de 29 à 40 milliards d'euros, selon une estimation du Conseil des prélèvements obligatoires en 2007.

« Comptabilité filiale par filiale »

Afin d'assurer un meilleur suivi, les députés suggèrent la création d'une liste française des territoires non coopératifs. Liste qui sera revue annuellement, en te­nant compte de l'application des conventions fiscales, versus OCDE, notamment l'article 26 qui définit les conditions d'échange d'information fiscale.

La mission plaide aussi pour une généralisation de la directive épargne, et donc d'abandonner la retenue à la source qui s'applique encore à l'Autriche, à la Belgique et au Luxembourg.

Gilles Carrez (UMP), le rapporteur général, a insisté sur la néces­sité de traquer aussi bien les personnes physiques que morales, notamment de limiter les avantages fiscaux en cas de transfert dans un paradis fiscal. Autres idées, communiquer les schémas d'optimisation fiscale et renforcer la législation sur les prix de transfert. « Les entreprises doivent prouver la réalité économique des tarifs pratiqués entre filiales et sociétés mères. Cela suppose d'établir une comptabilité filiale par filiale », a précisé le député UMP. Et son collègue so­cialiste d'enfoncer le clou : « la transparence et l'obligation déclarative, c'est la clé ».

Ainsi, les banques devraient « dé­clarer tout mou­­vement financier en lien avec un territoire non coopératif ». À la charge des professions juridiques de révéler les mon­tages opérés dans les paradis fiscaux. En clair, « Le secret bancaire ne doit plus être invoqué lorsqu'il s'agit de fraude fiscale », a résumé Didier Migaud.

dimanche 30 août 2009

Bercy détient une liste de 3.000 évadés fiscaux

Le Monde, 30 août 2009

Ces contribuables français possèdent des comptes en Suisse pour un montant de trois milliards d'euros. Ils doivent régulariser leur situation avant le 31 décembre sous peine de poursuites judiciaires prévient Eric Woerth.

Une annonce qui intervient deux jours seulement après la signature entre Paris et Berne d'un accord permettant l'échange d'informations dans les cas de fraude fiscale. Les autorités françaises ont dressé une liste de 3.000 contribuables détenteurs de comptes bancaires en Suisse d'un montant de trois milliards d'euros, «dont une partie correspond très probablement à de l'évasion fiscale», indique le ministre du Budget Eric Woerth dans une interview au Journal du Dimanche.

Le ministre du Budget, qui précise que les autorités françaises disposent des «noms», des «numéros de compte» et des «montants en dépôt» de ces contribuables, leur demande de «régulariser au plus vite» leur situation, en utilisant notamment la «cellule de régularisation», mise en place par le gouvernement en avril pour les résidents français détenteurs d'avoirs dans les paradis fiscaux. «S'ils ne le font pas, nous utiliserons le contrôle fiscal», prévient-il, à savoir enquête détaillée et saisie de la justice au besoin.

«La majorité des noms ont été obtenus par le biais du renseignement fiscal, de manière non anonyme et sans contrepartie financière et d'autres, par des déclarations d'établissements bancaires», a encore précisé le ministre. Ce dernier fera un point prochainement avec Didier Migaud (PS) et Gilles Carrez (UMP), respectivement président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur ces informations.



«Nous avons changé d'époque»


«Tout le monde doit bien comprendre que nous avons changé d'époque», a poursuivi le ministre, qui écarte toute possibilité d'amnistie pour les fraudeurs. «Ce serait une justice insupportable !». «Nous refusons même d'y réfléchir», a-t-il assuré.

Eric Woerth souhaite réunir prochainement les représentants des banques installées en France pour leur demander l'identité des contribuables ayant transféré leurs avoirs à l'étranger. «Si leur collaboration est insuffisante, le droit fiscal prévoit d'ores et déjà des sanctions dissuasives (pénalité représentant 50% des sommes transférées)», a averti le ministre.

Depuis son ouverture en avril, la cellule de régularisation a «instruit 200 dossiers, bouclé 20 régularisations et 80 autres sont en cours de traitement», selon le ministre qui a précisé que les 20 premiers dossiers ont représenté «une collecte d'impôt d'un demi-million d'euros».

La lutte contre l'évasion fiscale avait enregistré un succès spectaculaire en février 2008 lorsque Bercy avait mis la main sur une liste d'environ 200 noms de personnes ayant ouvert des comptes au Liechtenstein. Au total, Bercy a contrôlé 34 «groupes familiaux» dans le cadre de cette enquête.

lundi 27 juillet 2009

Washington exigerait les noms de 10 000 titulaires de comptes chez UBS

Washington exigerait les noms de 10 000 titulaires de comptes chez UBS, Le Monde, 27 juillet 2009

Les autorités américaines n'exigeraient que les noms d'environ 10 000 titulaires de comptes, au lieu des 52 000 initialement demandés auprès de la banque suisse UBS, accusée de fraude fiscale aux Etats-Unis, a affirmé la presse helvétique.

Le département de la justice américain exigerait les noms de tous les clients ayant reçu aux Etats-Unis la visite de leur banquier suisse entre 2001 et 2007, soit 10 000 personnes, affirme le journal dominical Sonntags Zeitung, se référant à une source américaine non identifiée.

Alors que la banque helvétique a obtenu un ajournement du procès jusqu'au 3 août, une conférence téléphonique sera organisée mercredi par la justice américaine pour faire le point sur le dossier, selon la Sonntags Zeitung.

Selon l'ancien directeur financier de la gestion de fortune d'UBS Mark Branson, cité par le journal, UBS détenait en automne 2008 environ 47 000 comptes offshore américains, dont la moitié étaient des comptes de dépôt dotés de moins de 50 000 dollars.

Ces comptes ne devraient pas intéresser la justice américaine, contrairement aux quelque 20 000 comptes de valeurs mobilières qui n'auraient pas été déclarés au fisc, selon le journal.

mercredi 22 juillet 2009

Monaco ne se voit plus en paradis fiscal

Monaco ne se voit plus en paradis fiscal, Libération, 21 juillet 2007

C’est pour en finir avec l’étiquette de paradis fiscal, que la principauté de Monaco vient de mandater trois experts en communication pour redorer l’image du rocher. L’idée était en germe depuis le G20, assure-t-on de source officielle.

Slogan et autre publicités devront être prêts début 2010, lorsque la principauté sera en passe de quitter la liste grise des paradis fiscaux.

Ont été désignés comme experts, Stéphane Rozès, ex-DG du CSA et aujourd’hui patron de sa propre société en conseil, et Jean-Luc Mano, ex-journaliste converti à la com…

mercredi 15 juillet 2009

Paradis fiscaux : deux députés demandent de ne pas baisser la garde

Paradis fiscaux : deux députés demandent de ne pas baisser la garde, Le Monde, 15 juillet 2009

Comment lutter effectivement contre les paradis fiscaux, ces "trous noirs" du système financier international ? Le rapport présenté mercredi 15 juillet à la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ne dissimule pas l'ampleur de la tâche. Mais, affirment ses auteurs, Elisabeth Guigou (PS, Seine-Saint-Denis) et Daniel Garrigue (ancien UMP, non-inscrit, Dordogne), "il y a une fenêtre de tir étroite, qu'il ne faut pas laisser passer". La proposition de résolution qu'ils souhaitent faire adopter par la commission s'inscrit dans la perspective du prochain G20 des 24 et 25 septembre à Pittsburgh (Etats-Unis).

"PRÉOCCUPANT"

"Il y a un risque de rechute", souligne le rapport. Les deux députés, s'appuyant sur les déclarations d'intention des deux précédents G20, veulent continuer à avancer face aux acteurs du système financier qui souhaiteraient que tout recommence comme avant. Pour espérer obtenir du prochain G20 des avancées concrètes, estiment l'un et l'autre, il faut que l'Union européenne affirme sa détermination.

Les paradis fiscaux, insistent-ils, sont "présents sur tous les continents, notamment en Europe, et pas seulement dans les îles exotiques". Aussi, appellent-ils les Etats européens, à commencer par la France, à "sortir de l'ambivalence" : "Aura-t-on le courage de demander à nos banques d'arrêter les transactions avec ces pays-là ?", interroge Mme Guigou. "On se heurte à des freins et des blocages redoutables", soupire M. Garrigue.

Le rapport des deux députés regrette les atermoiements européens sur la mise en oeuvre de la "directive épargne" de 2003 sur l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. De même, les députés jugent "préoccupant" le retard pris en Europe pour la création de chambres de compensation pour les produits financiers dérivés négociés de gré à gré. Premier enjeu : "améliorer les dispositifs de supervision" et rendre "obligatoire" le recours à de telles chambres pour tous les produits dérivés normalisés. Ces produits, quasiment inexistants au début des années 1990, se sont développés à un rythme effréné, atteignant fin 2008 une valeur de 33,9 milliards de dollars selon la Banque des règlements internationaux (BRI).

Pour les deux députés, cependant, le véritable test de la volonté européenne concerne la proposition de directive sur les fonds d'investissement alternatifs, dite "directive hedge funds". Une proposition qu'ils jugent "inacceptable en l'état", la qualifiant de "cheval de Troie ".

"La proposition McCreevy mise sur la table par la commission Barroso est un véritable scandale, s'indigne Mme Guigou. On donne un passeport européen à ces fonds spéculatifs établis ailleurs, tout cela sous l'influence de la City de Londres."

Les deux membres de la commission des affaires européennes dressent un constat : depuis dix ans, la mobilisation politique pour lutter contre l'évasion fiscale, le blanchiment et le contournement des réglementations s'est affaiblie. Ils regrettent que la sphère financière ait explosé jusqu'à représenter l'équivalent de cinquante fois le montant du produit intérieur brut mondial.

Patrick Roger

mercredi 8 juillet 2009

Le Luxembourg retiré de la liste grise des paradis fiscaux

Le Luxembourg retiré de la liste grise des paradis fiscaux, Le Monde, 8 juillet 2009

e Luxembourg a été retiré, mercredi 8 juillet, de la liste "grise" des paradis fiscaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée au lendemain du G20 de Londres en avril.

Pour être radiés de cette liste grise, les pays qui y sont inscrits doivent renégocier chacun au moins douze accords d'échange d'informations fiscales entre pays. C'est ce qu'est parvenu à faire le Luxembourg, qui a notamment signé ces dernières semaines des accords avec la Finlande, le Royaume-Uni, et mardi, avec l'Autriche, autorisant partiellement la levée du secret bancaire dans ces pays. "Le Luxembourg a signé un avenant à son accord de double imposition avec la Norvège, portant à 12 le nombre d'accords d'échange d'informations fiscales et franchissant ainsi le seuil requis pour être considéré comme ayant substantiellement appliqué les règles internationales en la matière", a indiqué l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un communiqué.

Le Luxembourg passe ainsi sur la liste "blanche" des paradis fiscaux réunissant les territoires qui appliquent "substantiellement" les standards internationaux. Dans l'Union européenne, seules la Belgique et l'Autriche figurent désormais sur la liste "grise".

lundi 6 juillet 2009

Antiblanchiment : les avocats inquiets

Antiblanchiment : les avocats inquiets, le Monde, 6 juillet 2009

Les avocats protestent à nouveau contre la transposition de la directive européenne antiblanchiment qui les contraint à faire part de leurs soupçons de blanchiment dans des affaires de financement de terrorisme, mais aussi de fraude fiscale ou d'infractions passibles d'une peine de prison de plus d'un an, ce qui représente la majeure partie des délits.

Après de vives protestations et des procédures auprès de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat, les avocats ont limité le champ d'intervention de cette directive qui ne s'applique ni à leurs activités judiciaires, ni à leurs activités de conseil. La transposition française leur fait obligation de déclaration de soupçon dans leurs relations d'affaires .

Dans un projet de décret soumis au Conseil d'Etat, révélé par Le Figaro du 2 juillet 2009, le ministère de l'économie énumère les critères justifiant une déclaration de soupçon, comme "la réalisation d'une transaction immobilière à un prix manifestement sous-évalué", "le retrait fréquent d'espèces d'un compte professionnel", ou "le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité".

Ces obligations ne posent pas de problèmes aux banques, aux notaires, huissiers de justice ou aux représentants de casino et autres professions tenues de faire ces déclarations, mais contreviennent, pour les avocats, à la relation de confiance qu'ils ont avec leurs clients.

"Le client doit être sûr qu'il a affaire à un avocat et pas à un agent du fisc", explique Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux (CNB). "On ne nous demande pas de dénoncer une infraction mais un soupçon d'infraction. On ne bâtit pas une société démocratique sur des déclarations de soupçons", explique-t-il.

"Si un commerçant qui achète un appartement au bout de trente ans de travail me sollicite, dois-je faire une déclaration de soupçon parce qu'une partie de l'argent n'a pas forcément été déclarée ?", proteste le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel.

"L'ESSENTIEL PRÉSERVÉ"

Le président de la Conférence des bâtonniers, Pascal Eydoux, qui représente les barreaux de province, est plus mesuré. Il considère que l'essentiel a été préservé.

"Il n'est pas anormal, si un client conduit son avocat à faire des choses qui ne sont pas convenables, à le dénoncer à son bâtonnier." Le CNB prépare un document pour les avocats, intitulé : "Dissuader, pour ne pas dénoncer".

"Il ne s'agit pas de couvrir des délits d'un client ou d'un avocat, mais de donner la possibilité à l'avocat qui constate un éventuel problème de dissuader son client", plaide Thierry Wickers.

Christian Charrière-Bournazel est catégorique. Il ne transmettra pas les déclarations de soupçon, éventuellement fournies par les avocats de son barreau, à l'organisme antiblanchiment Tracfin : "Quand une loi est injuste, c'est un honneur de la transgresser".

Le CNB prévoit des recours devant le Conseil d'Etat, la Cour de justice des communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme.

Alain Salles

Sarkozy et Brown veulent des sanctions internationales contre les paradis fiscaux récalcitrants

Sarkozy et Brown veulent des sanctions internationales contre les paradis fiscaux récalcitrants, Le Monde, 6 juillet 2009

La France et le Royaume-Uni demandent, lundi 6 juillet 2009, l'instauration, à partir de mars 2010, de sanctions internationales contre les paradis fiscaux qui ne se conformeraient pas aux normes de transparence.

"Quand les paradis fiscaux ne se conforment pas aux normes internationales de transparence, il devrait y avoir une réponse globale robuste et coordonnée", a déclaré Gordon Brown, le premier ministre britannique, lors d'une conférence de presse conjointe avec Nicolas Sarkozy en marge du sommet franco-britannique d'Evian, en Haute-Savoie.

"Donc, nous demandons aujourd'hui qu'une date-butoir soit fixée en mars 2010 pour l'instauration de sanctions contre les paradis fiscaux, des sanctions qui pourraient inclure une révision des politiques d'investissement, l'instauration de taxes sur des fonds basés dans des paradis fiscaux ou le retrait de l'aide", a ajouté Gordon Brown.

vendredi 3 juillet 2009

La Suisse a-t-elle vraiment tué son secret bancaire?

La Suisse a-t-elle vraiment tué son secret bancaire?, L'expansion, 3 juillet 2009
Julie de la Brosse - 03/07/2009 15:03:00

La Confédération helvétique a signé des conventions fiscales avec plusieurs pays. Mais personne ne connaît réellement le contenu de ces textes. De quoi entretenir le flou sur la mort annoncée du secret bancaire suisse. Nos explications.

Le secret bancaire, c'est quoi ?

Sorte de secret professionnel, le "secret bancaire" désigne l'obligation qu'ont les banques de ne pas livrer d'informations sur leurs clients à des tiers. En Suisse, il existe depuis 1939 et donne au pays une attractivité fiscale non négligeable. Ainsi en 2008, les banques helvètes ont géré près de 4 3000 milliards d'euros, se plaçant ainsi au 3ème rang mondial.

Mais depuis des années la polémique enfle autour de ce secret bancaire. Avec la mondialisation, de nombreux pays ont vu l'évasion fiscale se développer, et ont donc demandé à la Suisse d'avoir accès aux comptes bancaires et aux détails des transactions de leurs ressortissants fraudeurs.

Une requête qui a toujours été refusée par la Confédération helvétique. Mais le contexte a changé. Avec le scandale du Liechtenstein et la crise financière, la pression autour des paradis fiscaux s'est accrue. Et à la veille du G20, le 13 mars dernier, la Suisse s'est ainsi engagée à appliquer les standards de l'OCDE

Que recouvrent exactement ces engagements ?
L'article 26 du modèle de convention fiscale de l'OCDE prévoit l' "obligation d'échanger des renseignements qui sont vraisemblablement pertinents pour l'application correcte d'une convention fiscale". C'est ce qu'on appelle le système de l'information à la demande, qui s'oppose à un autre système, où l'échange d'information serait automatique. En clair, dès lors que deux pays signent une convention, ils sont obligés de fournir l'information bancaire à chaque fois que l'autre partie le lui demande. Mais seulement dans ce cas là.

L'OCDE a classifié ses Etats-membres en 3 listes, une blanche pour ceux qui respectent l'article 26, une grise pour ceux qui souhaitent respecter l'article 26 et une noire pour ceux qui refusent le moindre engagement sur ces questions fiscales. Pour l'heure la Suisse doit, si elle veut sortir de la liste grise, signer douze conventions bilatérale respectant l'article 26, et ce avec n'importe quel pays membre de l'organisation. Ce qu'elle s'empresse de faire depuis quelques semaines : jusqu'à aujourd'hui, elle est parvenue à un accord avec neuf d'entre eux, dont la France et les Etats-Unis.

Quel est le contenu de ces conventions ?
Impossible de le savoir. Car tant que les conventions n'ont pas été signées mais seulement paraphées, comme c'est le cas aujourd'hui, leur contenu n'a pas vocation a être dévoilé au public. Or, les avis divergent sur le contenu de ces conventions, quand bien même chacun affirme les avoir eues entre les mains... Ainsi, les banquiers suisses affirment que l'administration fiscale suisse sera tenue de fournir les informations uniquement "dans le cas où sera apportée la preuve d'un soupçon de fraude fiscale, l'identité de la personne ainsi que le nom de la banque". C'est en tous cas ce qu'a affirmé à L'Expansion.com Pierre Mirabaud, actuel président de l'Association suisse des banquiers. Le problème, c'est que, dans le même temps, Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE, fait une interprétation contraire de ces conventions... "La seule condition est que la demande ne soit pas aléatoire. Il faudra seulement fournir l'identité d'une personne soupçonnés de fraude, et c'est tout", maintient-il. Ce qui changerait tout. Si un simple nom suffit vraiment, alors les jours du secret bancaire sont bel et bien comptés. Sinon, il aura droit à un répit inespéré.

Finalement, la fin du secret bancaire est-elle si proche ?

C'est très difficile à dire. L'administration suisse continue de croire à la survie du secret bancaire. La Confédération helvétique ne veut pas effrayer les clilents étrangers de ses banques, et espère conserver son attractivité fiscale. C'est probablement pour cela que récemment le président fédéral suisse déclarait au Frankfurter Allgemeine Zeitung: "Rien n'a changé par rapport au passé, rien ne sera assoupli. Il y a juste une collaboration internationale plus étroite".

De leur côté, le gouvernement français, ainsi que l'OCDE, ont déjà annoncé la disparition du secret bancaire suisse. En criant victoire haut et fort, Paris espère faire revenir ses évadés fiscaux. En réalité, chacun joue son va-tout et on est là dans la politique et la communciation, bien plus que dans le juridique.

Une récente affaire pourrait pourtant laisser pense que la Suisse a effectivement entamé le deuil de son précieux secret : le 24 juin dernier, la deuxième banque suisse, Crédit Suisse, a envoyé une missive à ses clients français leur annonçant qu'elle pourrait être amenée à transmettre leur identité aux autorités hexagonales. Pour sa défense, la banque a annoncé que cette lettre n'avait aucun rapport avec les conventions qui se négocient actuellement. Elle aurait simplement eu pour but de se mettre en règle avec le règlement boursier et l'AMF, a déclaré la banque, qui a assuré qu'elle ne fournirait que des informations boursières sur ses clients.

Comment la Suisse va ratifier les conventions fiscales

Pour être applicables, ces traités de double imposition doivent être soumis à l'ensemble des parties intéressées de la Confédération, au premier desquelles figure le secteur financier. En fonction de leurs remarques, recommandations et autres, le gouvernement suisse présentera les accords bilatéraux au Parlement. Ce qui ne devrait pas se faire avant fin août. Ce dernier décidera ensuite de soumettre ou non les textes à un référendum populaire. Restera donc à savoir où en en est la population suisse sur la question du secret bancaire.

Le gouvernement a d'ores et déjà annoncé que seule la première convention paraphée serait soumise à un référendum populaire, laissant planer l'incertitude sur ce qu'il ferait en cas de réponse négative de ses concitoyens. Si les conventions sont malgré cela ratifiées et finissent par entrer en vigueur, c'est le juge suisse qui aura la fin mot de l'histoire en autorisant ou non la levée du secret bancaire. Autre problème, la convention de l'OCDE ne prévoit pas de sanctions à l'égard des Etats. Seule possibilité pour un Etat qui s'estimerait floué, dénoncer la convention fiscale en vigueur.