vendredi 13 mars 2009

L’Europe du secret bancaire se lézarde avant le G20

L’Europe du secret bancaire se lézarde avant le G20 , le Monde, 13 mars 2009

La pression monte contre les paradis fiscaux dans la perspective du G20 qui doit leur être consacré le 2 avril, à Londres. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont ainsi prôné, jeudi 12 mars, la création d'"un mécanisme de sanction" qui pourrait passer par l'obligation faite aux banques, qui ont des filiales dans des zones opaques, à accroître leurs provisions de façon significative.

Le même jour, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) devait communiquer au G20 une liste de pays et territoires considérés comme "non coopératifs", soit la liste des pays qui refusent de répondre aux requêtes fiscales de pays tiers.

La perspective de figurer au ban de la communauté internationale a d'ores et déjà incité un certain nombre de pays et de zones franches à faire un pas. Jeudi, la principauté d'Andorre, le Liechtenstein et la Belgique se sont engagés à lever le secret bancaire, tandis que les îles Anglo-Normandes de Jersey et Guernesey promettaient de répondre aux demandes de l'administration fiscale britannique. Ces dernières semaines, les Antilles néerlandaises, Aruba et les Bermudes ont commencé à faire preuve de souplesse dans l'échange de renseignements bancaires. En février, Singapour et Hongkong ont annoncé des projets de lois visant à changer leurs pratiques fiscales.

PRESSIONS POLITIQUES

Pour obtenir ces premiers gestes, les pressions politiques n'ont pas manqué. Concernant Andorre, Nicolas Sarkozy a menacé de renoncer à sa fonction de coprince – aux côtés de l'évêque d'Urgel – si la principauté n'obligeait pas ses banques à plus de transparence. De crainte de basculer de facto dans le giron de l'Espagne, le gouvernement andorran a promis une réforme d'ici à la fin de l'année.

L'Allemagne semble avoir agi avec la même fermeté vis-à-vis du Liechtenstein, qui s'est engagé à "reconnaître les standards de l'OCDE" et à établir "de nouvelles bases" pour le secret bancaire. "Le temps est venu d'adapter notre système dans le domaine de la fiscalité" a précisé jeudi, le prince Alois von und zu Liechtenstein.

Ces évolutions sont significatives. Andorre n'est pas la Principauté de Monaco certes – curieusement silencieuse –, mais l'évolution du Lichtenstein et de la Belgique peut inciter la Suisse, le Luxembourg, Hongkong ou Singapour à se normaliser.

En France, la pression médiatique est d'autant plus forte que le magazine Alternatives économiques publie, cette semaine, une enquête qui montre que 100 % des multinationales françaises du CAC 40 ont des filiales dans les paradis fiscaux et judiciaires. Ces outils servent à mettre des bénéfices à l'abri de l'impôt mais aussi parfois à rémunérer en liquide des personnes qui facilitent l'obtention d'un contrat.

ÉTAT DES LIEUX DES PAYS OPAQUES

La stigmatisation des paradis fiscaux est d'autant plus significative que la présidence britannique du G20 a souhaité lier la question fiscale à la lutte contre le blanchiment d'argent sale. Le GAFI (Groupe d'action financière) et le Forum de stabilité financière (FSF) ont donc été saisis pour établir un état des lieux des pays opaques soupçonnés d'aider les trafiquants de drogue à blanchir leur argent.

Après les avoir laissées longtemps prospérer, les Etats veulent donc réduire la puissance des zones dites offshore. Non seulement ces milliers de milliards d'euros circulant en franchise fiscale sont accusés d'avoir aggravé la crise financière, mais ils représentent aussi un manque à gagner intolérable pour des pays contraints de creuser le déficit de leur budget pour financer la relance économique.

Tous les paradis fiscaux ne sont pas à mettre sur le même plan. "La Suisse n'est pas les îles Caïman, mais en s'attaquant à tout le monde en même temps, et notamment à de “grands” pays, le G20 se donne les moyens d'un progrès considérable!" indique un haut fonctionnaire impliqué dans la préparation du G20.

L'Autriche et surtout la Suisse mènent une activité diplomatique intense pour ne pas figurer sur une liste noire qui les mettrait au banc de la communauté internationale. De son côté, le président des Etats-Unis, Barack Obama, semble sur cette ligne, en dépit des réticences de nombreux hauts responsables de l'administration américaine, nommés par Bush et toujours en place. La position de M.Obama conditionnera celles de pays comme le Canada et le Japon.

Yves Mamou et Anne Michel

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